Les moyens de paiement
Pour qu’une opération de paiement se noue, il faut que les parties s’accordent sur l’instrument de paiement. Les moyens de paiement sont la matière première des systèmes de paiement. En passant de la monnaie espèce à la monnaie scripturale puis à la monnaie électronique, les systèmes de paiement se sont libérés des contraintes des moyens de paiement tout en restant partie intégrante de la fonction monétaire. Pour traiter des moyens de paiement toujours plus dématérialisés, il a fallu développer des systèmes de paiement toujours plus élaborés.
Les technologies de l’information et des télécommunications ont permis d’automatiser les paiements et d’acheminer les ordres de paiement dans des meilleures conditions de coût, de rapidité et de sécurité. Dans les systèmes informatisés, les moyens de paiement sont des biens d’information qui incorporent de plus en plus de données.
S’il est exact que, dans les réseaux, le contenant tend à absorber le contenu, les moyens de paiement et les systèmes de paiement sont appelés à se confondre, les systèmes de paiement absorbant les moyens de paiement devenus virtuels. Nous étudierons d’abord les caractères spécifiques des moyens de paiement et le comportement des usagers avant d’examiner les différentes catégories de moyens de paiement.
Les caractères des moyens de paiement
Les critères d’efficience
Chaque moyen de paiement représente un arbitrage entre les différentes caractéristiques. Des préférences des usagers et des banquiers répond un certain rapport qualité/prix.
- La maîtrise des termes de paiement : Dans la mesure du possible, les parties à la transaction veulent connaître les termes de paiement et les délais de recouvrement (entre le débit du compte du débiteur et le crédit du compte du bénéficiaire).
- La sécurité de la transaction : La sécurité s’exprime au moyen de deux critères : la confidentialité de la transaction et de son contenu et l’intégrité des informations contenues dans le message qui véhicule l’ordre de paiement.
- Les coûts de la transaction : Le coût des instruments de paiement comprend les coûts d’émission, de transmission, de traitement, d’amortissement des infrastructures et éventuellement le coût des produits et services annexes à valeur ajoutée quand le support le permet (les cartes).
- La traçabilité des transactions : La fonction de traçabilité est indispensable pour valider un ordre de paiement. Les participants qui interviennent à chaque étape du processus doivent être en mesure de localiser à tout moment un paiement dans la chaîne de traitement (tout le monde a vécu cette situation où la banque du débiteur affirme que les fonds sont « partis », alors que la banque du créancier déclare qu’ils ne sont pas « arrivés »). Les erreurs de destination sont particulièrement coûteuses dans les systèmes automatisés.
Les facteurs de développement
Les habitudes acquises
L’utilisation des moyens de paiement est profondément ancrée dans les mentalités collectives. Le choix des moyens de paiement évolue très lentement. Le passage des anciens francs aux nouveaux francs en 1968, des francs aux euros en 2001, donne une idée des résistances auxquelles se heurte tout changement dans ce domaine. Il existe par exemple une tradition anglo-saxonne du chèque. A l’inverse, les consommateurs allemands et japonais sont très attachés aux paiements en espèces. La France a été longtemps considérée comme un pays où dominaient les espèces métalliques : les campagnes, disait-on, regorgeaient de matelas cousus d’or (on se souvient du film de Renoir « Goupil Main Rouge » où les membres d’une famille de paysans se relaient au chevet de l’ancêtre pour savoir où il a caché le magot). Les citadins ne juraient que par les pièces d’or, les campagnes s’en tenaient à l’argent. Le papier monnaie était très mal vu. En 1914, la monnaie papier (billets de banque, chèques bancaires, lettres de change, effets de commerce) représentait moins de la moitié de la masse monétaire. Le papier commercial s’est beaucoup développé pendant l’entre-deux-guerres pour suppléer un stock métallique fluctuant. Après la deuxième guerre mondiale, FÉtat s’est investi dans la bancarisation de l’économie et la généralisation du chèque (paiement des fonctionnaires, des impôts, des fournisseurs). La France est devenue – pour le meilleur et pour le pire – l’un des pays où le chèque est le plus utilisé.
Les besoins des usagers
Les particuliers recherchent d’abord la simplicité des moyens de paiement (paiements en espèces ou assimilés comme le chèque). Ils sont également sensibles aux délais de paiement : date de débit sur le compte de l’émetteur, date de disponibilité des fonds pour le créancier. Avec la hausse des frais bancaires, les particuliers sont de plus en plus attentifs aux coûts des opérations. S’agissant de montants relativement modestes, les coûts de transaction peuvent se révéler prohibitifs. Il arrive que les frais de transfert cross-border en euro soient plus élevés que la somme transférée.
Les entreprises veulent maîtriser la gestion de trésorerie : elles sont très exigeantes sur les délais de paiement. Il faut rapatrier au plus vite les fonds disponibles et éviter les balances oisives. Les trésoreries sont en position de négocier les termes de paiement (commissions, taux de change, jours de valeur). Elles suivent de près les innovations technologiques susceptibles de réduire les coûts de traitement (exécution des paiements, recouvrement des créances). Les entreprises utilisent de préférence les virements et les prélèvements automatiques qui leur permettent d’informatiser toute la chaîne de paiement, de faciliter les réconciliations (titre de paiement attaché à la facture), de gérer les stocks (code barre reproduit dans le titre de paiement). Les entreprises s’intéressent aux paiements en ligne dans le but d’intégrer toute la chaîne de paiement.
Chaque transaction est une mine d’informations sur les habitudes de consommation. Bien exploitées par des modèles d’analyse CRM (Customer Relationship Management), ces informations sont réutilisées dans les stratégies de marketing, en croisant les données « produits » et les données « clients ».
Les banques commerciales recherchent avant tout la baisse des coûts de transaction. Par une politique de tarification incitative, elles orientent les usagers vers les moyens de paiement qui se prêtent à un traitement infor¬matisé. Les banques compensent les coûts (coûts de traitement et coûts d’investissement) par un taux élevé d’interopérabilité, tout en préservant le caractère concurrentiel du produit. La carte est à la fois un produit com¬mun (les caractéristiques sont identiques et les coûts de traitement sont partagés entre les membres du réseau) et un produit fortement concurrentiel (la concurrence s’exerce sur les produits et services annexes à forte valeur ajoutée). Les informations collectées à l’occasion des paiements par carte permettent d’affiner le marketing des produits et services bancaires.
Les banques centrales cherchent à combiner efficacité et sécurité. Bien que les banques centrales soient implicitement ou explicitement (de par la loi ou leurs statuts) responsables de la supervision et parfois même de la gestion des systèmes de paiement, leur intervention est neutre. Elle ne doit pas fausser le jeu de la concurrence. Enfin elles ont aussi un rôle de leadership pour promouvoir les techniques plus performantes.
Le progrès technologique
Les moyens de paiement incorporent de nombreuses innovations. Le processus fonctionne dans les deux sens. D’un côté, les nouvelles technologies sont à l’origine de nouveaux moyens de paiement. En contrepartie, les nouveaux moyens de paiement exigent des systèmes de paiement plus perfectionnés. L’innovation touche aussi bien les techniques de traitement (bandes magnétiques, lecteurs optiques, traitements automatisés, procédures STP ou Straight Through Processing) que les instruments de paiement (cartes à puces, paiements en ligne) ou les mesures de sécurité (protection des données et des liaisons informatiques).
L ’internationalisation de la monnaie
Certaines monnaies comportent un taux inhabituellement élevé d’espè¬ces par rapport aux autres formes de monnaie. C’est le cas du franc suisse et du dollar. La moitié de la masse monétaire en dollar est détenue par des non-résidents. Le dollar est en effet utilisé non seulement comme monnaie de transaction internationale mais aussi comme monnaie refuge ou comme monnaie de substitution dans les pays à monnaie fondante (sys¬tème du Currency Board).
Les modalités de paiement
Bien qu’ils comportent un certain nombre de caractéristiques communes (les informations qu’ils véhiculent), les moyens de paiement empruntent des moyens de transcription et de transmission différents.
- Mode de paiement : paiements à distance (virement, chèques), paiements occasionnels (achats de consommation) et paiements répétitifs (salaires, pensions, sécurité sociale, factures de gaz, d’électricité, de téléphone, abonnements, primes d’assurance), paiements de gros et paiements de détail (comme le paiement des salaires).
- Mode de transcription : support matériel (support métallique et support papier) et support immatériel (monnaie électronique).
- Modes de traitement : traitement manuel pour les supports physiques, traitement automatisé pour les supports électroniques ou traitement mixte pour les instruments partiellement informatisés (les chèques comportent une bande magnétique qui pré-enregistre toutes les informations connues avant l’émission : numéro de compte, numéro de code international de la banque, mais non les informations ajoutées par le client au moment de la transaction : le montant, le bénéficiaire, la date).
Les différentes catégories de moyens de paiement
Les statistiques internationales distinguent les paiements cash en espèces (pièces et billets) des paiements non-cash : les virements (crédit transfers), les prélèvements (débit transfers), les chèques (cheques ou checks suivant que l’on s’exprime en anglais ou en américain), enfin les paiements électroniques comme les cartes (cartes de crédit et cartes de débit) et les différents modes de télépaiement .
Vidéo : Les moyens de paiement
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