Le système européen de paiement
En dehors d’Euro système, on ne connaît que deux autres systèmes de paiement transnationaux desservant deux zones monétaires : la zone caraïbe (Eastern Carribean Currency Area) gérée par une banque centrale commune (Eastern Carribean Central Bank) et la zone franc (UMOA ou Union Monétaire de l’Ouest Africain). La zone franc est fondée sur la centralisation et la mise en commun des réserves de change, le règlement des échanges au travers d’un compte spécial du Trésor, l’émission de monnaies fédérales (franc CFA) par des banques centrales fédérales : la BCEAO (Banque Centrale des États d’Afrique de l’Ouest) et la BCAC (Banque Centrale des États d’Afrique Centrale). Le franc CFA est lié à l’euro par une parité fixe
Pour les pays européens membres de l’euro, la mise en place d’une monnaie commune a entraîné un certain nombre de transferts de compétences qui ont modifié les structures de paiement traditionnelles.
La perte de souveraineté monétaire et l’approvisionnement en liquidité
Une monnaie unique signifie évidemment une politique monétaire unique. La définition de la politique monétaire commune est transférée des banques centrales nationales (BCN) à la Banque Centrale Européenne (BCE). Mais la mise en œuvre est partagée entre la BCE et les BCNs. Bien qu’elle puisse agir par elle-même, la BCE doit normalement recourir aux BCNs pour effectuer des interventions sur le marché. Ayant une longue expérience de leurs marchés, les BCNs disposent des instruments nécessaires pour mener à bien ce type d’opérations.
L’audit et la supervision des systèmes de paiement sont de la responsabilité des BCNs. Des directives de la Commission tentent d’uniformiser les réglementations bancaires. C’est donc la BCE qui fournit la liquidité et assure la finalité des transactions en monnaie centrale entre les BCNs. Les BCNs continuent d’assurer la finalité des transactions domestiques sur leurs territoires et d’accorder des facilités de crédit aux banques commer¬ciales qui ont élu domicile dans leurs livres.
L’intensification de la concurrence
Sur le marché des paiements, la mise en place de l’euro a intensifié la concurrence entre les places financières, les banques centrales et bien sûr les banques commerciales de la zone monétaire. Le service de paiement étant le même sur tout le territoire de l’euro, les places financières recourent à des services induits à valeur ajoutée pour faire la différence. Ainsi la place de Paris offre l’accès à des liquidity bridges qui permettent le transfert automatique de la liquidité générée sur les différents marchés là où elle est nécessaire. De même, la place de Londres profite du décalage horaire : elle ferme une heure plus tard que les places continentales (sauf deux semaines par an).
Les banques centrales jouent sur les facilités de crédit consenties aux banques qui utilisent leur RTGS. Ces facilités intraday sont généralement gratuites (à condition d’être remboursées avant la fin de la journée). Les banques centrales s’efforcent d’étendre la liste des titres admis comme collatéral. On sait que les banques commerciales répugnent à immobiliser dans leurs livres des actifs – qu’ils s’agissent de dépôts (non rémunérés) ou des titres (rémunérés mais gelés) – pour servir de contrepartie à des facilités de crédits dont elles n’auront peut-être jamais besoin.
Dès la fin des années quatre-vingt, sous le règne de Mrs Thatcher, eurosceptique convaincue, la Banque d’Angleterre et le Trésor avaient lancé des bons du Trésor à trois mois en « écu ». Le marché en écu ne disposait pas alors d’instruments à très court terme dotés d’une bonne liquidité.
Il s’agissait de répondre aux besoins des banques de clearing de l’ABE (seul système de paiement alors existant) d’un instrument de marché suffisamment liquide pour équilibrer leurs positions au sein du système de clearing, et accessoirement de renforcer la City sur ce nouveau marché. L’approche commerciale et financière l’emportait sur les aprioris politiques. La Banque de France suivit en lançant des obligations en écu à 10 ans puis à 3 ans afin de servir de gisement à des produits dérivés et de fournir une source de refinancement aux banques de compensation.
À son tour la Banque d’Italie accepta en nantissement des titres éligibles en dépôt chez Euro- clear ou Cedel contre la mise à disposition chez la banque créancière de la contrepartie en écu. L’initiative était particulièrement ingénieuse car la Banque d’Italie n’était jamais en risque. Les titres étaient déposés sur un compte escrow. Si le lendemain, la banque débitrice n’avait pas remboursé, la Banque d’Italie mettait les titres en vente et transmettait le produit à la banque créditrice.
La création de l’euro et la formation d’un marché monétaire unifié ont pris les banques commerciales en tenaille : d’un côté, elles ont perdu les revenus liés aux opérations de change entre devises européennes, de l’autre elles sont soumises à une concurrence accrue qui comprime leurs marges. En contrepartie, les banques européennes bénéficient d’un marché élargi doté d’une liquidité accrue qui leur permet de bénéficier d’économies d’échelle, d’élargir leur aire d’activité et de réduire leurs frais de transaction.
Pour préserver leurs parts de marché dans le domaine des paiements, les banques ont baissé leurs coûts de traitement en développant l’informatisation de leurs opérations, étendu leurs activités pour offrir un service à l’échelle européenne, diversifié leurs lignes de services annexes afin de développer des produits à forte valeur ajoutée. Pour les plus réactives, le passage à l’euro fut une opportunité. La concurrence favorise les rapprochements. En répartissant l’amortissement les frais d’investissement sur un plus grand volume de transactions, les fusions et autres accords techniques réduisent les coûts de transaction. On voit ainsi se dessiner les contours d’un marché oligopolistique où quelques groupes bancaires dominent le marché européen des paiements.
L ’intégration des systèmes de paiement
Si les BCNs conservent leur autonomie au sein d’Euro système, les contraintes technologiques et financières imposent des structures intégrées. Ainsi, pour adhérer au système TARGET, chaque pays membre a dû s’équiper d’un système de paiement RTGS qui sert de correspondant local. Du fait des contraintes technologiques, il est difficilement concevable qu’une banque centrale puisse quitter le système TARGET, tout en restant membre de la zone euro. Alors que l’inverse est possible : une banque pourrait quitter la zone euro tout en restant membre de TARGET. Pour les mêmes raisons la mise en place de l’euro a permis de simplifier de nombreux systèmes de compensation dont certains se chevauchaient, mais dont aucun n’avait à lui seul la productivité et la compétitivité requises au sein de la zone euro. Les organismes de compensation se sont concentrés autour de quelques grandes fonctions : gros montants/petits montants, brut/net (ou mixte), cash/titres, etc.
Le système euro comprend trois niveaux suivant la nature des opérations de paiement :
- les paiements de gros montants urgents sont traités par un système RTGS : EUROSYSTÈME qui comprend le centre de traitement TAR¬GET géré par les BCN nationales et qui utilise la BCE comme banque de règlement ;
- les paiements de gros montants non urgents sont traités par un système net (ou mixte) : EURO 1 géré par l’ABE (Association Bancaire pour l’Euro ou Euro Banking association) ;
- les paiements de petits montants sont traités par des réseaux de correspondants ou par STEP 2 géré par l’ABE, seule plate-forme pan-européenne de paiements de masse.
Vidéo : Le système européen de paiement
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