Les moyens de paiement : La monnaie scripturale
Par rapport au PNB, la part des dépôts bancaires à vue permettant d’effectuer des paiements par « book-entry » (chèques, virements, cartes, prélèvements, monnaie électronique) est en progression faible mais régu-lière (sauf aux États-Unis). Cette progression est une constante historique qui traduit la bancarisation croissante de l’économie. Dans l’Union Euro-péenne, les chiffres vont de 21,1 % en Belgique à 64,4 % au Royaume-Uni (qui tient au développement précoce et à la sophistication de l’activité bancaire et financière de la City). Les autres pays européens restent dans la même fourchette : la France (24,6 %), l’Allemagne (27,7 %), l’Italie (39,2 %) sont en augmentation régulière.
La Suisse (29,7 % relativement stable sur longue période) et le Japon (55,5 % en forte augmentation) res-tent à l’intérieur des normes européennes. En revanche, les chiffres des États-Unis (5,8 %) déjà très bas connaissent une diminution régulière. Pour rendre compte de cette anomalie, il faudrait comparer les taux d’intérêt et les types de placement alternatifs (les instruments d’épargne collective et les contrats d’assurances vie) susceptibles de modifier la préférence pour la liquidité des différents pays (comme la déduction des intérêts payés de l’assiette de l’impôt sur le revenu). D’après Keynes, la préférence pour la liquidité est une donnée en grande partie autonome, dans la mesure où elle tient plus à des habitudes acquises et à un environnement historique et institutionnel qu’à des conditions économiques contingentes comme les taux d’intérêt.
Concernant les moyens de paiement, on distingue les pays qui utilisent majoritairement le chèque comme l’Australie, la France, les États-Unis, le Canada et le Royaume-Uni, des pays qui utilisent majoritairement les virements comme la Belgique, l’Allemagne, l’Italie, le Japon, les Pays-Bas, la Suède et la Suisse. La diffusion rapide de l’usage de la carte a modifié les comportements d’achat. On oppose les pays à faible utilisation comme l’Italie et la France aux pays à forte utilisation comme l’Angleterre, les États-Unis et le Japon, l’Allemagne se situant entre les deux.
Les chèques
Si la part du chèque dans les paiements scripturaux diminue partout, l’utilisation du chèque reste très variable d’un pays à l’autre. En pourcen-tage du total des transactions scripturales (hors espèces), le nombre de
transactions par chèque va de 0,1 % en Suède et en Hollande, 0,5 % en Suisse, 1,2 % en Allemagne à 34,2 % en France (en baisse régulière), le Royaume-Uni (23,5 %) et l’Italie (20,3 %) se situant en moyenne position. Une fois encore, les États-Unis se distinguent avec un taux record de 49,9 % bien qu’en forte diminution. En valeur, on retrouve les mêmes échelles mais avec des rapports beaucoup plus faibles car le montant unitaire des chèques est généralement faible. La part des chèques dans les paiements scripturaux (en valeur) reste faible en Europe : négligeable en Hollande, en Suisse, en Suède (0,2 %), faible en Allemagne (2,3 %), au Royaume-Uni (2,2 %), en Italie (3,1 %), en France (2,4 %) pour remonter légèrement aux États-Unis (4,9 %). Le rapprochement des statistiques en nombre de transactions et en valeur montre que les paiements par chèque sont de montants unitaires faibles (donc coûteux).
Les cartes
Si on compare le nombre de cartes avec le nombre de paiements par carte, on observe une certaine saturation du marché. Le nombre de cartes plafonne alors que le nombre des transactions continue de croître. Les sociétés de cartes doivent donc affiner leurs politiques de marketing en en enrichissant les services attachés à la carte. Ainsi la France qui se trouve dans la fourchette basse pour le nombre de cartes par habitant détient le record pour le nombre de transactions par carte (97,9) et un nombre élevé de transactions par habitant (66,9) – proche du Royaume-Uni (79,1) mais loin derrière les États-Unis (115,9).
Le nombre de cartes de débit pour 1 000 habitants va de 476,6 en Italie à 2 995,5 aux États-Unis en passant par la France (741,5) – qui offre donc un certain potentiel de croissance – l’Allemagne (1 443), le Royaume-Uni (2 399), le Japon (2 603,4). Les sta-tistiques des cartes de crédit sont du même ordre. Dans tous les pays, le nombre des paiements par carte par rapport aux paiements scripturaux se tient dans une fourchette de 30/40 % (de 30,6 % en France à 41,2 % au Royaume-Uni et 41,7 % aux États-Unis avec une exception au Japon : 61,3 %). En valeur, tous les pays sont dans le même rapport (moins de 1 %), y compris le Japon dont le montant unitaire des paiements par cartes est particulièrement faible. Seule la Belgique se distingue dans le domaine des cartes dotées d’une fonction d’e.money (7 % des transactions).
Enfin les cartes privatives sont très répandues en Allemagne et en Belgique, alors qu’elles sont encore en nombre négligeable dans les autres pays. Singapour se distingue avec un taux de cartes dotées d’une fonction d’e.money de 74,1 %. Ce chiffre qui a doublé en un an traduit une politique volontariste des autorités de Singapour (cf. supra p. 27). Le légal ten- der du dollar singapourien a été défini en mesure électronique (sous forme d’un certain nombre de « bits »).
Tous les indices montrent une croissance rapide de l’usage des cartes par rapport aux autres moyens de paiement et que parallèlement les écarts entre pays développés tendent à se rapprocher.
Les virements
Le virement est une spécialité européenne (particulièrement allemande). Les virements représentent près de la moitié du nombre des paiements scripturaux en Allemagne (45 %) contre 3,2 % aux Etats-Unis. Les autres pays européens se situent pour certains très au-dessus comme en Belgique (46,9 %) et en Suisse (58,4 %), tous deux en forte diminution, pour d’autres très en dessous comme la France (18,6 %) et le Royaume- Uni (17,7 %), tous deux relativement stables. En valeur, les virements représentent partout des parts très élevées rarement inférieures à 90 %. C’est en Allemagne que la part en valeur est la plus faible (84,2 %), alors que la part en nombre d’opérations est la plus élevée (le montant unitaire des transactions diminue à mesure que le nombre de transactions aug-mente). Entièrement automatisable et informatisable, le virement est l’instrument privilégié des transferts de gros montants nécessitant un traitement urgent.
Les prélèvements
Malgré son caractère hautement informatisable, le prélèvement reste encore marginal. En Europe, le nombre de prélèvements par rapport au total des transactions scripturales atteint 36,9 % en Allemagne contre 9,8 % en Belgique, les autres pays tournant autour de 20 % : 16,3 % en France, 20,1 % en Angleterre, 22 % en Italie, 27,6 % en Hollande. En valeur, les virements représentent moins de 1 % du total des paiements scripturaux, sauf en Allemagne (11,8 %) et aux Pays-Bas (5,3 %). Contrai-rement à ce qu’on pourrait attendre d’un mode de paiement comportant de nombreux avantages, la part de marché reste faible et stable. Aux États-Unis, les prélèvements sont peu utilisés (3,1 % du nombre de tran¬sactions et 1,1 % des volumes en valeur).
Pour résumer ce qui précède, il faut d’abord relever l’extrême disper-sion observée dans l’utilisation des moyens de paiement et l’évolution très lente des habitudes de paiement. Les pesanteurs historiques et sociologiques restent encore très prégnantes. Si l’on va un peu plus avant dans l’analyse, on perçoit l’influence croissante des contraintes technologiques qui tendent à rapprocher les moyens de paiement utilisés d’un pays à l’autre. Fortement automatisés, les virements représentent d’ores et déjà l’essentiel des règlements en valeur.
Sources :
- « Blue Book », Payment and Securities Settlement Systems in the European Union. European Central Bank (2004) (figures 2002).
- « Red Book », Statistics on Payment Systems in Selected Countries, Committee on Payment and Settlement Systems, Bank of International Settlement (2004) (figures 2002).
Vidéo : Les moyens de paiement : La monnaie scripturale
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