La compensation des créances
Compensation bilatérale et compensation multilatérale
Dans un premier stade, la trésorerie du groupe centralise les paiements entre les filiales. Les règlements bilatéraux sont effectués à date fixe (par exemple sous forme de règlements mensuels). Dans un deuxième stade, tous les paiements sont centralisés. Les règlements bancaires ne portent que sur des soldes multilatéraux. La société holding transmet les soldes à la banque pour effectuer les règlements selon ses instructions entre les comptes des différentes filiales (et éventuellement des fournisseurs/clients qui ont ouvert un compte dans le même réseau).
Les filiales sont en risque de taux. Soit elles ont un compte mensuel créditeur (elles perdent le revenu des placements qu’elles auraient pu faire), soit elles ont un solde mensuel débiteur (elles sont obligées de négocier un
Découvert à des conditions qui ont changé – dans un sens ou dans l’autre – par rapport aux conditions en vigueur au moment où la dette est née). La société holding fixe un taux d’intérêt interne unique – aussi proche que possible du taux moyen de marché – qui s’applique aux placements des filiales excédentaires et aux financements consentis par la holding aux filiales déficitaires. Cette technique permet de faire l’économie des marges bancaires : marges de crédit ajoutées aux taux de référence et marges d’intermédiation (spreads) ajoutées aux taux de marché.
Compensation bancaire et compensation non bancaire
Les grandes banques de dépôt ont développé des programmes de corporate cash management qui sont mis à la disposition des clients. Lorsque un groupe décide d’utiliser le système « maison » de cash management, la banque limite ses pertes en termes de collection de dépôts et de vente de produits et services bancaires. La centralisation des paiements dans ses caisses lui permet de compenser la baisse des volumes (du fait de la compensation intragroupe des paiements) par la domiciliation de toutes les transactions sur ses livres. La gestion des comptes permet de vendre des produits et services annexes plus rémunérateurs. La banque centralisatrice a une connaissance détaillée de l’organisation et des opérations du groupe, ce qui représente un atout en termes de marketing. Une banque qui négligerait de s’équiper d’un système de cash management risque de perdre les comptes des grandes entreprises et d’être éliminée ou reléguée dans la vente de produits spécialisés qui ne génèrent pas de retombées.
Un groupe doit donc choisir entre un système de cash management développé en interne et l’adhésion à un système géré par une banque. Cette dernière solution est normalement la moins coûteuse puisque la banque peut amortir son investissement sur un grand nombre de clients. En revanche, le programme de la banque ne tient pas compte des spécificités du groupe : les informaticiens répugnent à modifier le programme ; les modifications coûtent cher ; elles risquent d’être inadaptées et de créer de nouveaux problèmes. À titre d’exemple, les programmes d’origine américaine ne connaissent pas le système européen des « jours de valeur ». Les opérations sont enregistrées « en ligne » au fur et à mesure qu’elles parviennent à la banque. Il faut donc retraiter les informations. Inversement, les banques américaines pratiquent un système de solde minimum (.minimum balance) inconnu en Europe. En contrepartie d’un crédit ou d’un découvert, le client est tenu de maintenir sur son compte un solde non rémunéré représentant un certain pourcentage du crédit consenti. Ce solde obligatoire non rémunéré renchérit le coût du crédit pour le client et fournit des ressources gratuites à la banque. Enfin le client doit tenir compte des frais de connexion : il faut adapter le système informatique de traitement, de stockage et de transmission de données aux normes de la banque. Dans ces conditions, un groupe d’entreprises peut être amené à développer son propre système en utilisant les infrastructures existantes
Entre le siège et ses filiales ou recourir aux prestations d’une société de service informatique spécialisée.
Monnaie de compte et monnaie de règlement
Le groupe peut être confiné dans l’espace national ou européen ou se développer à l’échelle internationale. Dans les deux premiers cas, on a affaire à un système de compensation monocurrency utilisant une même devise : l’euro. Il n’y a pas de risque de change. Si le groupe a des partenaires internationaux hors de la zone euro (agences/filiales, fournisseurs/clients), il doit arrêter une procédure pour déterminer la monnaie de transaction. On peut choisir la monnaie de l’exportateur, reportant ainsi sur l’importateur le coût de l’opération de change. On peut choisir la monnaie de l’acheteur et reporter la gestion de l’opération de change sur le vendeur. Le coût de la couverture de change est alors incorporé au prix du produit ou service. Il est évidemment plus simple pour le siège de fixer une monnaie commune reportant ainsi sur les filiales le coût des opérations de change et des opérations de couverture. Le choix de la monnaie commune dépend donc de l’implantation de la société mère, de la structure géographique du groupe et de ses partenaires commerciaux.
Certaines industries opèrent sur le marché du dollar, comme le secteur pétrolier, l’industrie aéronautique, le marché du shipping, les industries de l’armement. Changer la monnaie de transaction peut avoir des incidences sur la stratégie commerciale (les clients ne sont pas en mesure de comparer les offres concurrentes) comme dans la politique d’achat (le coût des sous-produits incorporés dans le coût de fabrication ne sont plus comparables). Airbus a une comptabilité en dollar alors que son implantation commerciale et sa structure de coûts sont majoritairement en zone euro ou non dollar.
La technique de la monnaie commune simplifie la gestion de trésorerie du siège (compensation/concentration/règlement), mais complique celle des filiales et des clients/fournisseurs qui ne sont pas toujours équipés pour gérer une position de change. La société holding qui gère une situation de change centralisée a une vue globale de la position du groupe, des risques de change induits et dispose des qualifications et des instruments de marché nécessaires pour gérer cette position. A l’intérieur du groupe, elle peut pratiquer des auto-couverture en adossant des positions opposées (longues/courtes) des filiales. La compensation des créances en devises est en elle-même un moyen de réduire le risque de change. Le groupe est en position de force pour obtenir de meilleures conditions du marché. Il possède la maîtrise des techniques de couverture et peut exploiter des courbes de taux favorables (en conservant une position ouverte dans certaines limites de temps et de montant).
Une solution intermédiaire consiste à choisir une monnaie de compte commune au groupe, ainsi le risque de change est reporté sur la société mère qui est mieux placée pour gérer une position de change : les filiales (et éventuellement les clients/fournisseurs) effectuent leurs paiements
Dans leurs propres monnaies. Cette technique cumule les avantages des deux systèmes : centralisation des risques et décentralisation des opérations. Elle présente également des avantages commerciaux (chacun paye dans sa propre monnaie). Cette méthode n’exclut pas les techniques de compensation pour réduire le montant des règlements effectifs par conversion des monnaies de transaction dans la monnaie commune. La gestion multidevise est reportée sur le siège : il lui faut gérer une position par devise et entretenir un compte dans chacune des devises traitées. On simplifie la gestion en la ramenant à une monnaie commune, mais la conversion entre les monnaies de transaction et la monnaie commune entraîne un risque et un coût supplémentaires (un risque de change et un coût de change).
Certains groupes bénéficient, grâce à la distribution géographique de leurs échanges, d’une position de change structurellement favorable qui leur permet de faire l’économie d’une gestion multidevises. Le Club Méditerranée a des recettes en devises fortes (les « gentils membres » viennent des pays développés), tandis que les dépenses sont en devises faibles (les villages de vacances se trouvent au soleil dans des pays en voie de développement où la main-d’œuvre est bon marché). Mais la fixation des prix sur catalogue six à neuf mois avant la saison représente un risque de change assez important pour transformer des profits en pertes (c’est le cas de la clientèle américaine : le dollar a perdu 30 % en 2 ans contre l’euro).