Le corporate cash collection
Les coûts de transaction et d’information sont normalement le fait d’un marché imparfait. Si le mécanisme des prix assure l’optimisation de l’allocation des ressources et de la distribution des produits, pourquoi les entreprises n’utiliseraient-elles pas la même méthode pour leurs échanges internes ? Dans ce modèle, les filiales sont des entités autonomes qui achètent et vendent aux meilleures conditions, mettent en concurrence des
Fournisseurs internes et externes et se font éventuellement concurrence entre elles pour améliorer leurs parts de marché. De même, elles mettent en concurrence les différentes banques pour obtenir les meilleures conditions. Mais la concurrence entre les entreprises d’un même groupe peut coûter cher. Les filiales n’ont pas toujours l’expertise pour gérer les mouvements de trésorerie et si nécessaire opérer des couvertures de change. Enfin elles ne bénéficient pas du crédit de la maison mère et ne peuvent obtenir les mêmes conditions de crédit. La gestion de trésorerie décentralisée ne permet pas de dégager des économies d’échelle en terme de gains de productivité et de bargaining power.
Un groupe d’entreprises est assimilable à un système de paiement s’il assure la compensation des créances entre ses filiales et le règlement des soldes par l’intermédiaire du système bancaire. Les systèmes de gestion de trésorerie des entreprises comprennent les deux composantes d’un système de paiement (la compensation et le règlement), utilisent les mêmes techniques et poursuivent le même objectif : baisse des coûts de transaction par la remontée des paiements inter-entreprises, optimisation de la gestion de trésorerie par la maîtrise des mouvements de fonds (encaissements/décaissements), diminution des frais bancaires (commissions de transfert, jours de valeur, coûts de refinancement).
1.1. Les objectifs
L’objectif est de rechercher l’optimisation de la gestion de trésorerie par la centralisation des flux.
La centralisation des paiements entre les filiales et entre la holding et les filiales (comme le paiement des dividendes ou le règlement des intérêts des prêts consentis par la holding aux filiales) permet d’accélérer les délais d’encaissement et de réduire les frais de transaction (réduction du nombre de comptes bancaires et des balances techniques non rémunérées, diminution des frais perçus par les banques sous forme d’intérêts, de commissions ou de jours de valeur). Les règlements proprement bancaires sont limités aux soldes de compensation. Il est d’usage de laisser aux filiales la maîtrise des dépenses locales (salaires, maintenance). Il peut être convenu que les dépenses supérieures à un certain montant doivent être approuvées par le siège. Seuls les surplus de trésorerie remontent vers la maison mère à charge pour celle-ci d’assurer les financements nécessaires. Les dépenses d’investissement sont décidées et financées par le siège. Les dépenses d’exploitation sont de la responsabilité de la filiale au moyen de ressources locales – internes (fonds de roulement) ou externes (facilités de caisse, découverts bancaires). Si le groupe est en position de force, il peut contraindre ses fournisseurs et éventuellement ses clients à se connecter au même système de paiement au moyen d’incitations diverses (rabais, escompte des créances, échéances de paiement). Le rattachement de sociétés extérieures prend plusieurs formes, depuis l’ouverture obligatoire d’un compte auprès d’une des banques du groupe jusqu’à l’intégration au
Système de compensation lui-même. L’intégration de toutes les fonctions de paiement du groupe au sein d’un même réseau permet ainsi d’assurer la continuité du traitement informatique (STP).
La centralisation de la trésorerie a cependant des effets secondaires. Si toute la trésorerie remonte au niveau de la maison mère, les directeurs des filiales perdent le contrôle de la filiale dont ils ont la charge. Comment peut-on apprécier leurs performances si une partie importante de leur compte d’exploitation leur échappe ? Une totale concentration des flux risque de démotiver les dirigeants des filiales qui perdent le contrôle et la responsabilité des opérations de trésorerie, des couvertures de change, des conditions financières des contrats d’approvisionnement et de commercialisation. Il faut donc trouver un juste équilibre entre la concentration des ressources et la décentralisation des décisions. Il n’y a pas de critère universel. C’est un exercice qui relève plus de l’intuition et de l’expérience que de la rationalité économique ou des normes juridiques. Il en est de même quand il s’agit de définir le périmètre de concentration des flux qui n’ont rien à voir avec les définitions comptables ou juridiques. Elles ne reposent que sur des considérations opérationnelles. Une filiale dont la gestion est contrôlée avec une participation de 5 ou 10 % grâce à la dilution du capital doit être intégrée dans la gestion centralisée de trésorerie, tandis que la trésorerie d’une société où le groupe n’a qu’une participation silencieuse non stratégique (sleepingpartner), fut-elle de 49 %, ne doit pas être intégrée. (On ne parle pas ici en droit mais en fait).
Le cash pooling permet un meilleur contrôle de la trésorerie de l’ensemble du groupe. Disposant de toutes les informations nécessaires, le trésorier a une vue d’ensemble de la trésorerie du groupe, de ses positions et de ses risques aussi bien en termes de montants qu’en termes de taux. Le trésorier peut jouer sur les délais de paiement en accélérant les recouvrements et en différant les paiements (leads and lags). Le groupe est moins dépendant du marché. Il utilise les surplus des uns pour couvrir les découverts des autres. Les montants finalement empruntés sont plus faibles et le groupe peut négocier de meilleures conditions. Il en est de même pour le placement des excédents : le groupe gère des montants plus importants pour des échéances plus longues. Il peut tirer parti des courbes de taux (rate curves) : arbitrer entre les échéances, entre les taux courts et les taux longs suivant la courbe des taux. Le groupe obtient de meilleures conditions sur les services bancaires. Les banques pratiquent une gestion globale de leur relation clientèle : le responsable du compte prend en considération la rémunération globale du compte en rapportant le total des revenus générés par le compte (intérêts, commissions, float) au total des fonds alloués. La stratégie constante des banques est d’augmenter le montant des commissions perçues en rémunération des services (fee income) par rapport au montant des intérêts perçus sur les crédits (interest income). À la différence des crédits, les services ne consomment pas de fonds propres. Ils n’augmentent pas la dépendance de la banque vis-à-vis du marché. Le crédit n’est plus qu’un mal nécessaire, un produit d’appel destiné à vendre au client d’autres services plus rémunérateurs. On comprend les risques excessifs pris par telle banque sur certains groupes industriels en considération des autres prestations vendues et des commissions perçues.
Le rapatriement des opérations de paiement par les entreprises, l’inter- nalisation des coûts de transaction, la compensation des créances intra- groupe ont certes des effets globalement négatifs sur le secteur bancaire (désintermédiation des paiements), mais ils comportent aussi des effets positifs pour les banques actives dans le domaine des paiements (vente de produits de cash management). La banque qui centralise les mouvements de fonds augmente son float (au détriment des autres banques du groupe). Elle est informée à l’avance des paiements de gros montants, ce qui facilite sa propre gestion de trésorerie.
1.2. La méthode
Un groupe qui entreprend de monter un système de cash management interne doit répondre à un certain nombre de questions préalables.
- Faut-il construire un système interne de compensation ou adhérer à un système externe en choisissant l’un des schèmes de cash management commercialisés par les grands réseaux bancaires ?
- Faut-il scinder les opérations de paiement entre les compensations en interne et les règlements par l’intermédiaire du secteur bancaire ?
- Faut-il traiter avec une seule banque ou avec plusieurs ?
- Faut-il abandonner toutes les opérations de paiement aux banques ou recourir à une banque de groupe ?
La réponse dépend du degré d’intégration du groupe et du système des paiements intra-groupe. Une hypothèse basse peut se limiter à la compensation comptable des règlements intra-groupe et laisser le règlement aux banques du groupe. Une hypothèse haute peut rechercher l’intégration complète de toutes les opérations de paiement, y compris le règlement par l’intermédiaire d’une banque de groupe.
Vidéo : Le corporate cash collection
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