Les risques juridiques des systèmes de paiement
L’analyse des risques juridiques
Les risques juridiques couvrent tous les dysfonctionnements susceptibles d’ouvrir la voie à un litige. Ce risque a un coût, mais indépendamment du coût éventuel des litiges, le seul fait de souscrire à une convention pour baisse des tarifs pour les usagers (ou une certaine combinaison des trois). Dans certains systèmes, les actionnaires sont les usagers ou les usagers sont les actionnaires. Se pose alors le problème du libre accès au service de paiement. À l’origine des clearing houses se trouvent un certain nombre de marchands ou de banques qui voulaient organiser leurs paiements réciproques par compensation afin d’éviter l’utilisation de numéraire (comme la Banque de Hambourg – 1619). Mais leur participation était conditionnée par le choix des partenaires. 11 en est de même aujourd’hui.
La théorie des clubs analyse le comportement d’un groupe de consommateurs qui utilisent en commun un service au bénéfice exclusif de ses membres. Par le jeu des externalités, le service est pour une large part valorisé par la présence des autres membres l. Quel est le nombre optimal de membres d’un système de paiement ? Quels types de banques faut-il accepter ? C’est l’objet des critères d’accès et des politiques tarifaires. Les critères d’accès portent généralement sur la solvabilité des membres et le nombre de transactions. La politique de coûts est différente de la politique tarifaire : la clé de distribution des coûts entre les membres (ou entre les usagers) peut être discriminatoire. La politique de tarification détermine le degré d’ouverture du système si on l’utilise comme un instrument de sélection.
Les coûts comprennent les coûts de fonctionnement, les coûts d’amortissement des investissements et éventuellement les coûts de rému-nération du capital (c’est même une norme constitutionnelle aux États- Unis) 2. Si le total des coûts est également réparti entre les transactions, on favorise les gros usagers (d’autant que les frais de transaction sont généralement dégressifs). Si les coûts d’investissement font l’objet d’un règle¬ment séparé sous forme de droits d’accès et d’abonnement annuel, il faut établir un moyen objectif pour calculer la plus-value. En effet, la « valeur » actualisée d’un système de paiement comprend des gains d’externalité, difficilement mesurables, par exemple le coût de reconstitution ex nihilo d’un système identique (très supérieur aux coûts réels).
Les systèmes de paiement sont également un moyen de décentraliser des biens publics en accompagnement des marchés privés : si la fonction de négociation sur les marchés est un bien privé, la finalisation des transactions fournie par la banque centrale est un bien public. Les organismes de compensation assurent la jonction entre les deux.
La gestion des risques juridiques
Bien qu’un certain corpus de textes réglementaires et contractuels se soit constitué (responsabilité des banques centrales dans le domaine des paiements, supervision des systèmes de droit privé, substitution d’une
contrepartie centrale), il est encore peu de dispositions juridiques spécifiques aux systèmes de paiement, moins encore de jurisprudence dans une profession où l’on répugne à étaler ses litiges sur la place publique. Un mauvais compromis vaut mieux qu’un bon procès.
Les dispositions contractuelles
Les statuts
Les statuts sont une convention entre les actionnaires qui détermine la nature juridique de l’organisme de compensation, les conditions d’accès et la situation patrimoniale des actifs. L’organisme de compensation peut être une société à but lucratif responsable de la gestion et propriétaire des actifs mobiliers et immobiliers. Il peut être une simple association à but non lucratif dont les membres sont par ailleurs actionnaires d’une société distincte propriétaire des actifs. De même, la gestion peut être assurée par l’organisme de compensation ou par une société de gestion séparée contrôlée ou non par les membres du système de paiement.
Les critères d’adhésion doivent être « objectifs et publics » afin d’assurer un égal accès au système.
Un réseau est d’autant plus efficace et d’autant moins coûteux que ses participants sont plus nombreux. Cependant il se peut que les membres fondateurs du système cherchent à se réserver les bénéfices du système. L’objectif est d’acquérir une situation de monopole (ou d’oligopole) provisoire grâce à leur avance technologique et commerciale et à des conditions d’accès plus ou moins contraignantes et arbitraires (taux de capitalisation, volume des dépôts, rentabilité). On impose des conditions de trafic (nombre minimum de transactions), on fixe des délais d’adhésion, on retarde la connexion au système sous des motifs techniques (capacité de traitement du système), etc.
Le contrat de gestion
Lorsque la gestion est séparée de la propriété des actifs (infogérance) un management agreement fixe les obligations de la société de gestion. Le contrat de gestion détermine les objectifs qui lui sont fixés en termes de capacités de traitement, de performances, de coûts, de positionnement commercial, de politique des prix, de développement de produits et servi¬ces à valeur ajoutée, etc.
Le Manuel des Procédures
Le Manuel des Procédures (MOF) répertorie les procédures suivies par les participants pour l’exécution des ordres de paiement. Il est établi par l’opérateur en liaison avec les participants regroupés au sein d’un comité ad hoc (comité des usagers ou comité des banques de clearing). Le MOF reprend toutes les dispositions nécessaires au bon fonctionnement du système : le calendrier des opérations, le formatage des ordres de paie¬ment, les canaux de communication, le cheminement des messages, les protocoles informatiques, etc.
Les accords entre les participants
L’attribution de lignes de crédits bilatérales et/ou multilatérales est indispensable au bon fonctionnement d’un système de paiement. Elles représentent la liquidité disponible. Mais elles sont fixées de façon totale¬ment discrétionnaires par les participants (sous réserve de réciprocité). L’accord peut prévoir la constitution d’un pool de trésorerie et un régime de collatéral éligible (nantissement de titres prépositionnés dans les orga¬nismes de conservation).
L’éligibilité des bons du Trésor détenus par la banque centrale facilite la gestion de la liquidité du système : avec la dématérialisation des titres de la dette publique, la banque centrale maîtrise à la fois les comptes de clea¬ring et les comptes titres des banques participantes. La banque centrale est également dépositaire des réserves obligatoires qui peuvent être mobili¬sées par les participants (sous réserve de reconstitution).
Ces accords prévoient également les dispositions à prendre en cas de situation de crise : quel est le phénomène qui déclenche les mesures d’urgence, qui a le pouvoir – nécessairement discrétionnaire – de les met¬tre en œuvre ? qui peut suspendre un participant ? La rapidité d’exécution étant essentielle, les facilités de crédit et leurs modalités doivent être fixées à l’avance et testées afin d’éviter tout retard dans la mise en place de la liquidité additionnelle. Il faut priver les participants de tout prétexte qui leur permettrait d’éluder leurs responsabilités en cas d’urgence.
La convention de clearing
La convention de clearing lie l’organisme de compensation et la banque de règlement. Elle fixe les modalités de fonctionnement des comptes de clearing (horaires, cutt-off time) ainsi que les modalités de fonctionnement des facilités de crédit. La banque centrale désigne le collatéral éligible pour avoir recours aux facilités de crédit : bons du Trésor, obligations d’Etat, obligations de certaines organisations internationales, réserves obligatoires.
L’intervention de la banque centrale se situe entre deux extrêmes :
– soit la banque centrale est cantonnée dans son rôle de superviseur,
– soit la banque centrale agit comme opérateur du système.
Entre les deux, on rencontre toutes les solutions intermédiaires.
– Des systèmes publics gérés par la banque centrale
Ce système est de règle dans tous les systèmes RTGS compte tenu de leurs besoins de liquidité. Le contrôle et la gestion de la liquidité du système exigent une centralisation des opérations et donc une participation active de la banque centrale.
– Des systèmes privés
On en rencontre deux sortes : les systèmes dont les actionnaires sont également les participants (comme le système CHIPS aux Etats-Unis, le système euro ABE, le système de change CLS) et les systèmes dont les actionnaires ne sont pas les utilisateurs (comme Euronext ou Clearstream qui sont des sociétés cotées en bourse).
Des systèmes mixtes
La banque centrale et les banques participantes possèdent les infrastructures soit conjointement soit séparément (comme CHAPS en Angleterre).
En toute hypothèse, la banque centrale participe activement à la conception et à la mise en place du système de paiement et notamment à la politique de gestion des risques. Dans certains cas, la banque centrale est actionnaire – majoritaire ou minoritaire – de la société de compensation et/ou participant du système. La Banque de France est opérateur mais non participant de TBF et actionnaire mais non participant de CRI, la plateforme commune de paiements interbancaires.
Vidéo : Les risques juridiques des systèmes de paiement
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