L'architecture des systèmes de paiement : Les participants
Les banques
Les banques sont les intermédiaires obligés entre les utilisateurs et les systèmes de paiement. En tant qu’institution, la banque dispose d’une licence bancaire l’autorisant à prendre des dépôts et à faire des paiements. En tant que membre d’un système de paiement, la banque assure la compensation et le règlement des créances interbancaires. Le paiement est lié à l’opération de dépôt (ou d’inscription en compte dans le cas d’un crédit). Les banques opèrent donc à deux niveaux : celui des paiements intraban- caires et celui des paiements interbancaires. Les réseaux bancaires sont à la fois des systèmes de paiement per se et des sous-ensembles de systèmes de paiement interbancaires, une pyramide dont la banque centrale forme le sommet.
Si les deux comptes (débiteur et créditeur) à mouvementer sont ouverts dans les livres d’un même établissement de crédit, le paiement se fera par simple virement intrabancaire de compte à compte. La situation de trésorerie de la banque est inchangée. En revanche, si elle reçoit des instructions de paiement en faveur d’un bénéficiaire dont le compte est ouvert dans un autre établissement, la banque émettra un ordre de paiement en faveur de cet établissement. La banque peut évidemment utiliser son compte de correspondant avec l’établissement bénéficiaire (si elle en a un) ou le compte de son correspondant sur place. Mais il faudra multiplier les
comptes de correspondants et tôt ou tard solder les mouvements, alimenter les comptes s’il sont débiteurs, rapatrier les balances s’ils sont créditeurs (ou les placer en attente d’utilisation).
C’est pourquoi la banque préférera recourir à un système de paiement soit directement si elle en est membre, soit indirectement par l’intermédiaire d’une banque de compensation si elle n’en est pas membre (par exemple sur une place étrangère). L’utilisation d’un système de paiement permet de limiter les mouvements de fonds au solde des transactions et par là de raccourcir les délais de paiement, de baisser les coûts de transaction, de réduire le montant des balances techniques non rémunérées, de limiter le recours au marché, de réduire le niveau et le coût des risques (en termes de liquidités), de bénéficier des facilités de crédit attachées aux opérations de compensation, etc.
La désintermédiation des paiements
Bien que la plupart des systèmes de paiement sont des réseaux inter¬bancaires auxquels les établissements non bancaires n’ont pas accès, on assiste cependant à un mouvement de désintermédiation des opérations de paiement. Cette évolution est le produit de plusieurs types de contraintes.
Juridiques : la création monétaire est le privilège de la profession bancaire. Pour prendre des dépôts et faire des paiements, il faut une licence bancaire. L’activité bancaire est soumise à une autorisation et à une réglementation spécifique chargée d’assurer la protection de l’épargne et le bon fonctionnement du système des paiements. Or la gestion des moyens de paiement s’est étendue bien au-delà de la communauté bancaire et donc du contrôle des autorités de tutelle. Juridiquement, la banque centrale n’exerce son autorité que sur une partie des dépôts (les « banques inscrites »).
Fonctionnelles : des systèmes de paiement non bancaires fonctionnent avec ou sans le concours des établissements bancaires. Tous les groupes industriels composés de plusieurs entités autonomes ont mis en place une gestion centralisée des flux monétaires afin d’internaliser les frais de transaction et de rapatrier les gains de float. Des systèmes de paiement para- bancaires fonctionnent en parallèle (paiement par carte, paiement Inter-net). Dans le meilleur des cas, les banques interviennent comme sous- traitants et/ou comme gestionnaires des soldes. Lorsque les banques inter¬viennent comme sous-traitants, les mouvements ne sont pas inscrits dans leurs bilans.
Commerciales : des entreprises non bancaires concurrencent les ban¬ques dans ce qui est le cœur même de leur métier : les paiements (sociétés de service informatique, sociétés de micropaiement, réseaux de transport de fonds). Le développement de l’e.commerce risque de précipiter le mouvement : il ne s’agit pas seulement pour les banques d’utiliser le réseau Internet comme un moyen de communication privilégié mais de développer des produits et services spécifiques adaptés à ce mode de communication. Encore marginales en termes relatifs, mais déjà substantielles en termes absolus, les transactions en ligne connaissent une croissance rapide qui pourrait à terme se traduire par des détournements de trafic.
Techniques : la continuité technologique permet d’intégrer l’ensemble de la chaîne des opérations de paiement vers l’amont comme vers l’aval. Les clients sont invités à se connecter au réseau de paiement auquel appar¬tient la banque ou l’entreprise, puis leurs propres clients et fournisseurs (achats en ligne). Les banques correspondantes qui n’ont pas accès au système de paiement sont rattachées au mécanisme de paiement afin de rac-courcir les délais de paiement et de réduire les coûts de transmission et de traitement. Les systèmes de paiement se sont ainsi ouverts à des participants non bancaires : les agences du Trésor, les systèmes de giro, le sys¬tème postal, les caisses d’épargne, les banques mutuelles, les établissements spécialisés dans la collecte et la gestion de l’épargne, les agents de change.
D’autres comme les réseaux de cartes de paiement ont développé leurs propres systèmes de compensation. Le réseau SWIFT a créé une nouvelle catégorie de membres, les Member Administered Closed User Groups (CUGs) qui peuvent utiliser le réseau de transmission en utilisant le serveur de la banque (ils ne peuvent traiter directement entre eux en court-circuitant les banques). Le même réseau est utilisé pour distribuer les produits (IP) et exécuter les paiements correspondants (IPF), ce qui permet d’intégrer l’ensemble du processus.
Le centre de compensation
La participation des membres n’est pas nécessairement égale. Dans les systèmes ouverts, tous les membres sont participants. Dans les systèmes fermés, les utilisateurs sont partagés entre compensateurs et sous-compen- sateurs (two tier system associant clearers et sub-clearers).
Le niveau de participation
Dans un système brut (où les opérations sont traitées en continu), tous les utilisateurs sont par définition membres du système et ont un accès direct au système de règlement. Dans un système net (où les ordres font l’objet de compensation et de règlement en fin de journée), les nécessités techniques de la compensation imposent un système dual comprenant des compensateurs et des sous-compensateurs. La compensation devient matériellement impossible au-delà d’un certain nombre de participants : le coût de traitement de l’information diminue en deçà d’un certain nombre de membres et augmente au-delà. Le statut de sous-compensateur est matérialisé par l’ouverture d’un compte de correspondant auprès d’une banque de compensation.
Une banque de compensation ayant un accès direct à la compensation est en mesure d’offrir à ses clients de meilleures conditions en matière de délais de paiement (jours de valeur), de frais de transaction, de gestion de trésorerie. La banque de compensation admet des ordres de paiement plus tard et crédite son client plus tôt. Le seul fait d’être une banque de compensation est un argument de vente : il permet d’avoir un volume d’activité plus important, des coûts de traitement plus bas, un float plus important, de bénéficier de gains de liquidités. Comme les membres d’un même système vendent le même service (la compensation et le règlement), la concurrence ne joue que sur les services annexes.
Le coût de l’investissement par rapport au trafic espéré et aux bénéfices attendus (commissions, gestion du float et produits induits) est un moyen de sélection, au vu des coûts d’investissement initiaux relativement élevés, certaines banques préfèrent passer par les services d’une banque de com¬pensation si elles ne peuvent générer un trafic suffisant pour justifier cet investissement. Il faut estimer le volume de transactions détournées par le seul fait d’être compensateur au lieu de sous-compensateur. Les coûts d’adhésion (de raccordement, d’investissement, de développement, de fonctionnement) peuvent être délibérément utilisés par les membres en place comme moyen de sélection et d’exclusion.
D’un autre côté, une banque ne peut se permettre de différer la décision sauf à prendre le risque soit d’être exclue de ce marché, soit d’avoir à enga¬ger plus tard des investissements autrement plus importants pour rattraper son retard. Plus un système s’étend à de nouveaux membres, plus il s’enrichit de nouvelles fonctionnalités, plus le « ticket d’entrée » augmente. Un groupe de banques concurrentes qui envisageraient de créer un système ex nihilo auraient à engager des investissements bien plus importants que les premiers entrants. Il est plus facile et moins coûteux de partir d’une plate-forme existante et d’une clientèle constituée – pour décliner ensuite les différents produits et services induits-que de lancer un nouveau système. Le « saut » technologique et commercial doit être suffisamment sensible pour convaincre des usagers de changer de système (frais de migration) et pour leur assurer un monopole temporaire, le temps d’amortir leurs premiers investissements et de les rentabiliser. Il faut maintenir un système suffisamment ouvert pour éviter la création d’un système concurrent et suffisamment fermé pour préserver l’avantage concurrentiel.
Les conditions de participation a. Les conditions opérationnelles
Les conditions opérationnelles portent sur le nombre de transactions que le nouveau venu est susceptible d’apporter au réseau afin d’augmenter le trafic global et d’élargir la part de marché du système. Le nouveau participant doit justifier d’un nombre de transactions minimum. Si un sous-compensateur devient compensateur, c’est aux dépens de la banque de compensation qui lui servait jusqu’alors d’intermédiaire. Quand un sous-compensateur accède au statut de compensateur qui lui donne un accès direct à la compensation, cela ne change rien au volume global de transactions du système. Un certain nombre de paiements mfrabancaires dans les livres d’une banque de compensation vont devenir des paiements interbancaires dans les livres de la banque de règlement.
Indépendamment de toutes autres considérations (politiques, commerciales), l’admission d’une banque de compensation supplémentaire devrait être fondée non sur le volume de transactions actuels, mais sur le volume de transactions additionnelles qu’elle est susceptible de générer dès lors qu’elle sera passée du statut de banque de sous-compensation à celui de banque de compensation. Le seul fait qu’une nouvelle banque accède au clearing ne modifie pas le volume global de transactions. En outre, il est extrêmement difficile d’appréhender le supplément d’activité que peut générer l’adhésion d’un nouveau membre. Plus encore de le traduire dans des critères d’adhésion objectifs.
Les conditions financières
Les conditions financières concernent la solvabilité de la banque candidate, sa capacité à remplir ses engagements. Un réseau est aussi fort que le plus faible de ses membres. Les systèmes de paiement tentent de se prémunir contre les risques de solvabilité par un certain nombre de mesures préalables telles que le taux de capitalisation, le volume des fonds propres, le rating des agences de notation. Les conditions de solvabilité sont plus rigoureuses dans les systèmes bruts que dans les systèmes nets. Dans le système brut, la liquidité doit être disponible à tout instant pour chaque transaction ; dans le système net la liquidité n’est requise qu’au moment de la liquidation des soldes et du règlement final (en fin de journée).
Si l’un des membres veut suspendre ses opérations avec un autre participant parce qu’il a des doutes sur sa solvabilité, un préavis est requis. Le délai doit être assez court pour être effectif, assez long pour donner aux autres banques le temps de réagir. La dénonciation des relations avec l’un des membres va immédiatement provoquer une fuite en avant des autres banques : chacune cherche à se dégager le plus tôt possible pour éviter d’être prise dans le sinistre. Chaque participant va essayer de limiter ses risques sur l’établissement suspect en suspendant ses opérations.
Dans les faits, il n’y a pas d’exemple que cette disposition ait jamais joué. Il convient en effet de distinguer les facilités de crédit explicites qu’une banque consent à une autre, et les facilités implicites qui sont à la discrétion de chaque établissement. Si l’un des membres dispose d’informations qui mettent en doute la solvabilité d’un autre participant, plutôt que de suspendre ses opérations – ce qui risque de provoquer une crise et de détériorer ses relations avec les autres établissements – il va modifier les lignes mises à la disposition de l’établissement suspect.
Ou il s’agit de lignes ouvertes dans le cadre du système – et un préavis est requis – ou il s’agit de lignes hors systèmes – et la banque peut en disposer de façon discrétionnaire. On distinguera cependant les lignes confirmées (engagement ferme avec paiement d’une commission d’engagement et d’une commission d’utilisation) qui sont normalement assorties d’un préavis et les lignes non confirmées qui peuvent être dénoncées à tout moment. La suspension d’une ligne est une décision difficile qui peut compromettre le rembourse¬ment des en-cours et affecter durablement les relations avec l’établissement en cause si ses difficultés sont transitoires. Le marché interbancaire fonctionne sur le principe de la réciprocité.
Aussi les banques préfèrent utiliser une méthode moins voyante en limitant les transactions avec l’établissement suspect sans déclencher une dénonciation en règle des lignes. Les cambistes peuvent faire valoir que les lignes sont pleinement utilisées (le montant des lignes n’est pas communiqué, mais l’autre banque connaît l’en-cours) ou bien coter un prix hors marché. Si la banque est approchée par un courtier -qui ne fait connaître le nom de l’autre partie que si les conditions sont acceptées – on peut toujours revenir au cas précédent (« les lignes sont pleines »). La banque ne peut refuser de traiter sans se déjuger et menacer son crédit, mais dans les limites des lignes disponibles dont le montant n’est pas communiqué. La banque soupçonnée d’insolvabilité a de plus en plus de mal à lever des fonds sur le marché. Elle se voit proposés des montants de plus en plus fai¬bles à des prix de plus en plus élevés. Si elle en vient à accepter des condi¬tions manifestement hors marché, cela va se savoir et les conditions qui lui sont faites vont encore s’aggraver, jusqu’à ce que lui soit opposée une fin de non recevoir.
Les conditions techniques
Etant donné l’interconnexion des différents membres d’un même système, il faut s’assurer que le nouveau membre a fait tous les investissements nécessaires pour assurer le déroulement des opérations, sans mettre en danger les installations des autres participants et le bon fonctionnement de l’ensemble du système. Ces conditions portent sur les investissements dans les matériels éprouvés et compatibles, la formation du personnel, l’établissement de procédures d’alerte et de contrôle des risques. Afin de s’assurer que les conditions techniques sont bien remplies, un audit préalable est effectué soit par un département spécialisé du système de paiement, soit par un organisme indépendant, soit par les deux. Cet audit doit être renouvelé à intervalle régulier pour vérifier que les standards n’ont pas baissé entretemps. L’introduction de nouvelles technologies ou de nouveaux protocoles doit faire l’objet d’un audit spécifique. Il est important que se développe une « culture » commune entre les personnels des établissements participants. En cas d’incident, il faut que les personnels compétents situés au bon niveau (i.e. disposant à la fois de l’information pertinente et de l’autorité nécessaire) prennent en commun la bonne déci¬sion dans les meilleurs délais afin d’éviter le déclenchement d’une crise irréversible.
Les droits d’accès
Les membres d’un système de paiement sont redevables d’un certain nombre de contributions : droits d’accès, frais de transaction, abonnement annuel. Les commissions par transaction (transaction fees) et l’abonne¬ment annuel (annual fees) ont pour objet les uns de couvrir les frais de fonctionnement les autres de financer les investissements. Les premiers sont calculés en divisant les coûts de fonctionnement par le nombre de transactions quels que soient leurs montants, le deuxième est calculé en divisant les coûts de fonctionnement par le nombre de membres quel que soit le volume de leurs transactions. L’abonnement annuel décourage les petits participants. Il favorise les participants disposant d’un trafic important. Ces derniers peuvent amortir l’abonnement annuel sur un volume de transactions plus important. La commission par transaction favorise au contraire la dispersion des participants. Elle est également favorable aux nouveaux entrants qui n’ont pas à supporter le coût des investissements initiaux. Il est donc d’usage de combiner les deux formules, par exemple sous forme de tarif dégressif suivant le volume d’opérations.
Le droit d’accès est d’une autre nature : on peut le comparer à la prime d’émission qui accompagne normalement une augmentation de capital. En payant un droit d’accès, le nouveau participant apporte en quelque sorte sa quote-part à la valeur actualisée des investissements réalisés précédemment par les autres membres. Mais ces investissements initiaux sont difficiles à évaluer : ils comprennent des investissements matériels et des investissements immatériels (la simple constitution du réseau génère des externalités). En sens inverse, chaque nouveau membre enrichit l’ensemble du réseau (à condition qu’il apporte un supplément de trafic net). Mais on ne sera en mesure d’apprécier sa contribution nette que lorsqu’il sera devenu un participant à part entière. Enfin les investissements technologiques subissent un renouvellement tellement rapide que le nouvel arrivant risque de payer un équipement obsolète ou des techniques dépassées.
Le droit d’accès se trouve donc quelque part entre les deux : il lui faut traduire financièrement une différence entre les anciens membres qui ont supporté les coûts initiaux et les nouveaux membres, sans décourager l’adhésion de nouveaux membres capables d’enrichir le réseau. C’est le cas des sociétés de cartes de crédit dont les nouveaux membres bénéficient du parc de distributeurs de billets et de terminaux sur les points de vente financés par les anciens membres. D’où la recherche d’un système de tari¬fication modulée qui cependant ne produise pas de discriminations.
Les autorités de tutelle veillent à ce que ce droit d’accès ne soit pas détourné de son objet pour être utilisé comme moyen d’exclusion et de constitution d’un monopole.
La banque de règlement
Le dénouement des opérations de paiement nécessite l’intermédiation d’un établissement bancaire qui gère les comptes de clearing des banques participantes et fournit une monnaie commune. Cette fonction de règlement peut être assurée par une banque commerciale ou par une banque centrale. Techniquement, les deux établissements présentent les mêmes services. Il en va autrement si l’on considère les problèmes de risques. La banque centrale est statutairement chargée d’émettre la monnaie qui a cours forcé surtout le territoire (légal tender). En outre, le risque de crédit et le risque de liquidité de la banque centrale peuvent être considérés comme nuls puisque la banque centrale est la seule banque autorisée à émettre de la monnaie sans limite et sans contrepartie.
Les seules limites tiennent à la valeur interne (hausse des prix) et externe (taux de change) de la monnaie qu’elle émet. En la matière une doctrine s’est progressive-ment imposée : le règlement final des systèmes « systémiquement importants » doit se faire en monnaie centrale. Sont considérés comme « systémiquement importants » (« sistemically important ») les systèmes susceptibles de déclencher des risques systémiques1. Tous les systèmes sont potentiellement capables de déclencher des risques systémiques, mais certains sont plus vulnérables que d’autres. Parmi les critères, on retiendra le rôle stratégique (par exemple s’ils font communiquer plusieurs systèmes ou plusieurs marchés), la part de marché (s’ils sont en position de mono¬pole), les volumes traités (tous les systèmes RTGS sont « systematically important »).
Les banques commerciales
Les banques commerciales sont des systèmes de paiement. Elles effectuent des virements entre les comptes ouverts dans leurs livres (paiements intrabancaires). Seuls les paiements interbancaires sont réglés entre correspondants ou plus vraisemblablement par l’intermédiaire d’un système de paiement commun (qui règle le problème des soldes). Le développement d’une activité de correspondent banking est indispensable pour aug-menter sa part dans le volume de transactions, multiplier les contreparties sur le marché monétaire, bénéficier du float généré par les activités de paiement, baisser les coûts de transaction. Dans le cadre de sa politique de marketing, une banque de compensation particulièrement active dans le domaine du correspondent banking et du cash management peut utiliser le service des paiements comme produit d’appel pour d’autres services dès lors que la domiciliation du compte est acquise.
Les banques centrales
Il existe des systèmes de paiement sans banque centrale, mais il n’y a pas de système de paiement sans banque de règlement. En tant que banque de règlement, la banque centrale effectue la finalisation des paiements. En tant que participant, son rôle peut aller jusqu’à servir d’opérateur de la chambre de compensation. En tant qu’autorité de tutelle, la banque centrale est responsable de la supervision et du bon fonctionnement du système de paiement (oversight). Enfin en tant que « catalyseur » (catalyst), la banque centrale est chargée de promouvoir l’efficacité et la sécurité du système.
Banque de règlement
Depuis la fin du XIXe siècle, tous les pays ont adopté le système de central banking où les réserves bancaires sont concentrées au sein d’un seul établissement (la banque « centrale » qui « centralise » les opérations de paiement interbancaires et les réserves bancaires). Dans ce schéma, les réseaux bancaires sont des sous-systèmes du système de réserve national. La centralisation des réserves est historiquement liée à l’attribution du monopole d’émission (de fait ou de droit) à une banque appelée à devenir la banque centrale, puisqu’elle est seule à disposer d’un moyen de paie¬ment commun acceptable par toutes les autres banques pour solder leurs règlements réciproques. Les règlements finaux se font en monnaie centrale au moyen des dépôts bancaires auprès de la banque centrale. Dans un système net, les soldes de compensation sont communiqués à la banque centrale qui effectue les paiements par virements de compte à compte. Dans un système brut, les paiements sont imputés sur le compte de com¬pensation au fur et à mesure qu’ils sont entrés dans le système.
Membre de la chambre de compensation
La Banque d’Angleterre fait partie de la chambre de compensation, la Banque de France n’en fait pas partie. En Angleterre, la Clearing House est un organisme indépendant. En France c’était jusqu’il y a peu un département de la Banque de France. Aux États-Unis la Fédéral Reserve Bank of New York sert de banque de règlement. Le système de paiement se partage entre un système public, FEDWIRE géré par le Fédéral Reserve System, et un système privé, CFIIPS qui une association de banques commer-ciales. La Banque Centrale Européenne sert de banque de règlement entre les banques centrales européennes, mais elle n’intervient pas dans le système de compensation TARGET. Comme le système américain, le système de paiement de l’euro est partagé entre deux réseaux : un système public, TARGET, qui gère les relations bilatérales entre les banques centrales nationales, et un système privé, EURO géré par l’ABE, une asso-ciation de banques – européennes et non européennes – installées dans l’Union Européenne. Afin de tenir compte des enjeux technologiques et commerciaux, les nouveaux systèmes de paiement s’orientent vers la création d’organismes indépendants auxquels la banque centrale est organiquement associée soit comme membre à part entière, soit comme actionnaire, soit comme surperviseur et, en toute hypothèse, comme pourvoyeur de liquidité.
Autorité de tutelle
La banque centrale est responsable du bon fonctionnement du système des paiements. Elle peut être amenée à prendre des mesures d’ordre pru- dentiel s’appliquant à l’ensemble de la profession, ou des mesures individuelles s’appliquant à l’un des membres de la compensation qui n’est plus en mesure d’honorer ses engagements.
La banque centrale est d’autant mieux placée pour exercer ce rôle que les comptes de clearing des banques de compensation sont ouverts dans ses livres et qu’elle est tenue informée en temps réel par le centre de compensation de la position de chaque établissement vis-à-vis de tous les autres. Elle peut suivre la détérioration de la position de trésorerie d’une banque, l’allongement de la file d’attente des ordres en instance d’exécution, la difficulté croissante d’une banque à trouver des contreparties pour couvrir sa position. La banque centrale est en situation de monter une ligne de secours ou de déclarer la suspension des paiements d’une banque défaillante. La suspension des paiements est une décision délicate car elle peut déclencher une crise systémique et affecter le crédit de la place. 11 se trouvera toujours quelqu’un pour reprocher à la banque centrale d’avoir agi trop tôt ou trop tard. Trop tôt, la banque aurait pu être sauvée ; trop tard, les autres banques ne peuvent plus récupérer leurs créances.
Une banque centrale n’est jamais tenue de soutenir une banque en difficulté (principe du moral hazard). L’incertitude doit amener les banques à maintenir un niveau de réserves suffisant et à pratiquer une politique de crédit prudente. Certaines banques centrales ont pour principe de ne pas intervenir dans les difficultés d’une banque individuelle aussi longtemps que le crédit de la place n’est pas entamé. C’est le cas de la Bundesbank. La mauvaise gestion doit être sanctionnée par la suspension des paiements. D’autres comme la Banque d’Angleterre et la Banque de France considèrent que certains établissements doivent être aidés car leur suspension risque d’affecter l’ensemble de la place (principe dit du too big tofail). Ce fut le cas des deux faillites Baring à un siècle de distance (1890 et 1993). Aujourd’hui tout système de paiement doit disposer d’une procédure qui lui permette de finaliser toutes les opérations de paiement et de couvrir toutes les pertes avant la fin de session de compensation.
Catalyseur
Les banques centrales jouent un rôle d’initiation et de promotion des nouvelles techniques de compensation et de règlement (catalyst). D’un côté, les nouvelles technologies ont augmenté massivement la capacité des systèmes de paiement. De l’autre, elles sont à l’origine de nouveaux types de risques. Chargées de la sécurité des places financières, les banques centrales consacrent des moyens importants à analyser la nature des risques et à mettre en place les mesures propres à les contrôler. Les banques centrales servent de forum et de point de rencontre entre les parties concernées. L’intrusion de nouvelles technologies a amené les banques centrales à jouer un rôle beaucoup plus actif allant bien au-delà des fonctions traditionnelles de surpervision et d’oversight. Les banques centrales ont développé des coopérations internationales (« Comité des Systèmes de Paiement et de règlement » – ou CPSS – de la BRI) pour analyser la nature des risques, recommander un certain nombre de règles prudentielles communes et convenir d’actions concertées en cas de crise susceptible de se propager sur d’autres marchés.
Le marché monétaire
A proprement parler, le marché monétaire ne fait pas partie du système de paiement, mais il en est une composante essentielle. C’est en effet par ce moyen que les banques de compensation couvrent leurs positions auprès de la banque centrale. Un marché monétaire efficace est donc indispensable au bon fonctionnement d’un système de paiement. Par mar-ché monétaire efficace, on entend un marché des dépôts interbancaires à court terme (marché des dépôts au jour-le-jour), voire à très court terme (marché du repo). Le marché doit être doté d’une bonne liquidité, c’est-à- dire être suffisamment approvisionné et disposer d’une gamme de produits suffisamment large en termes de montants et d’échéances.
D’un point de vue macro-économique, un système de paiement ne peut fonctionner que si globalement, à l’échelle de l’ensemble du marché, les bénéficiaires de la compensation qui disposent d’une position créditrice sont disposés à remettre ces fonds à la disposition des banques débitrices, afin de leur permettre d’équilibrer leur compte de clearing avec la banque centrale. Le règlement final des opérations de paiement se fait en monnaie centrale au moyen des soldes accumulés auprès de la banque centrale.
Le marché monétaire est « parfait » si ) les membres du marché ont accès à la même information) aucun des participants ne contrôle une part de marché qui lui permette de manipuler les montants et les prix et 3) le marché est suffisamment liquide. Le marché doit être suffisamment approvisionné et disposer d’une gamme d’instruments suffisamment large (en montants et en échéances) pour permettre la formation des prix (les taux d’intérêt). La transparence du marché est assurée par les courtiers et les institutions spécialisées comme les maisons d’escompte. Si le marché était parfait, les positions s’équilibreraient automatiquement par simple variation de prix (taux d’intérêt). Mais le marché est imparfait. Les lignes de crédit bilatérales limitent le volume des fonds qu’une banque est disposée à prêter à une autre.
Dans les systèmes bruts, les ordres de paiement sont initiés par les banques tout au long de la journée et traités en continu. La liquidité disponible porte sur l’ensemble des opérations qui ont été introduites dans le sys¬tème à un moment donné. Une banque participante peut manquer de trésorerie parce que les ordres en sa faveur n’ont pas encore été initiés par les autres banques. La banque centrale est ainsi contrainte d’injecter des liquidités pour de gros montants et de brèves périodes afin d’assurer la liquidité du marché et la continuité des opérations. Dans les systèmes nets, les ordres sont enregistrés tout au long de la séance et les soldes ne sont tirés qu’en fin de journée. Si la banque centrale doit intervenir, ce sera en fin de séance au moment de la liquidation des positions.
Le marché monétaire fonctionne à deux niveaux : au niveau du marché des dépôts interbancaires et au niveau du marché des dépôts banque centrale (high-powered rnoney). Lorsque le marché monétaire est fermé ou inutilisable, les banques de compensation se tournent vers le marché banque centrale seul ouvert en pareille circonstance. En fin de journée ou en période agitée, quand les cambistes ont bouclé leurs positions, il devient difficile de se procurer des fonds. Les trésoriers et les cambistes ont « bouclé » (squared) leurs positions en élargissant le spread et en décalant les positions. Les banques déficitaires peuvent alors se tourner vers la banque centrale.
Vidéo : L’architecture des systèmes de paiement : Les participants
Vidéo démonstrative pour tout savoir sur : L’architecture des systèmes de paiement : Les participants