Économie de la connaissance : les confnsions à éviter
Avant d’analyser le capitalisme contemporain, souvent qualifié d’« économie de la connaissance ou de l’information », il convient de définir trois notions clés, liées entre elles mais distinctes, qui sont souvent confondues : la connaissance, l’information et les nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC).
La connaissance est le fruit d’un travail théorique et/ou pratique visant à améliorer la compréhension des faits naturels ou sociaux. Le savoir est ce qui est incorporé dans l’intelligence des individus. Mais il s’agit de deux notions assez proches. L’information décrit et diffuse les connaissances produites par le travail intellectuel. Elle est une description écrite, visuelle ou sonore de connaissances tacites ou codifiées. Le mot « information » vient du latin informare, qui signifie « donner une forme, une signification ».
Toute connaissance ne deviendra pas information, soit parce qu’elle n’a pas atteint un degré de formalisation suffisant pour être diffusable, soit parce qu’elle est sans utilité immédiate dans un but mercantile.
Dominique Foray pointe les différences essentielles entre connaissance et information : « La connaissance est fondamentalement une capacité d’apprentissage et une capacité cognitive, tandis que l’information reste un ensemble de données structurées, d’une certaine façon inerte ou inactive, ne pouvant par elle-même engendrer d’autres informations . » Une autre manière de différencier information et connaissance réside dans la façon de comptabiliser ces dernières. Ainsi, la plupart des économistes s’accordent à considérer l’information comme un flux qui circule, et la connaissance comme un stock résultant de l’accumulation de savoirs. D’où la notion de capital-savoir (ou capital cognitif) utilisée dans l’analyse économique moderne.
La connaissance a une autre spécificité tout à fait essentielle : fruit de processus intellectuels de compréhension et d’apprentissage, elle est incorporée dans les individus et dans la mémoire commune de l’ensemble social. Dans le cas des entreprises, les connaissances scientifiques et techniques sont incorporées dans les travailleurs (chercheurs, ingénieurs) et dans la mémoire commune, par exemple sous forme de modes de production. Elles forment ainsi un stock de capital productif.
L’information scientifique et technique, en tant que flux circulant entre les entreprises, apparaît à la fois comme un input et un output de la connaissance. C’est un output lorsque l’information sert à diffuser les connaissances. En revanche, l’activité d’intelligence économique, qui permet de nourrir le processus de production de connaissances, constitue un flux entrant, c’est-à-dire un input.
Une autre erreur consiste à assimiler l’économie de la connaissance aux nouvelles technologies de l’information et de la communication (TIC). Il est clair que la diffusion spectaculaire des TIC a joué un rôle déterminant dans le développement de l’économie de la connaissance. En permettant une baisse des coûts de transmission de l’information, et en favorisant la codification de connaissances plus complexes, les TIC constituent un facteur puissant de croissance et de diffusion des connaissances. Mais l’économie de la connaissance ne peut se réduire ni aux TIC, ni à l’information seule. Les TIC sont un support important, mais un support seulement, parmi d’autres (l’éducation ou la formation en sont d’autres, tout aussi fondamentaux), d’une production plus collective et plus interactive du savoir et des connaissances.
Les pays moins avancés peuvent avoir accès à l’information via Internet sans entrer pour autant dans l’échange international. À quoi sert d’installer des ordinateurs connectés à un système de transmission à haut débit dans les pays pauvres, si les individus ne sont pas formés par un système d’éducation efficace ? Ce n’est pas la fracture numérique qui maintient ces pays en dehors de la production et de la consommation mondiale, mais la compétence requise pour transformer l’information en nouvelles connaissances. Cela passe bien sûr en premier lieu par la mise en place de systèmes d’éducation de qualité.
Il convient ainsi de distinguer non seulement connaissance et information, mais également la notion de compétence, attribut du travailleur qui lui permet de transformer l’information disponible en connaissances exploitables dans le cadre de l’économie marchande.