La connaissance, un bien économique particulier
En tant que bien économique, la connaissance a des propriétés spécifiques bien connues, notamment par comparaison avec les biens tangibles. Elle possède en effet quatre qualités remarquables : sa non-rivalité, sa non-exclusivité, son caractère cumulatif et son coût marginal de production pratiquement nul. La première vient de ce que son usage par quelqu’un n’empêche pas l’utilisation du même savoir par quelqu’un d’autre. La deuxième signifie que chacun peut faire usage librement d’un savoir relevant du domaine public. Le caractère cumulatif de la connaissance est lié au fait que la production de savoirs nouveaux repose largement sur les savoirs existants. Ces propriétés font de la connaissance un bien public au « rendement social » très élevé, car porteur d’externalités positives : les avantages procurés par la connaissance échappent à la logique du marché.
La connaissance a une valeur d’usage, mais sa valeur d’échange est indéterminée. La recherche fondamentale diffusée dans les revues scientifiques constitue un bien non rival et non exclusif, qui sert à l’accumulation des connaissances dont bénéficie l’ensemble de la collectivité. Enfin, le coût de la recherche est indépendant du résultat final : produire une innovation supplémentaire peut se faire à coût nul. Dans un laboratoire du CNRS (Centre national de la recherche scientifique), la recherche aura le même coût quel que soit le nombre d’inventions réalisées.
Même dans le secteur privé, les investissements immatériels qui permettent de produire des informations ou des connaissances correspondent essentiellement à des coûts fixes, indépendants de la quantité produite : c’est en particulier le cas des dépenses de R&D. Une fois que Microsoft a mis au point un nouveau logiciel, le coût global est le même, que celui-ci soit produit à quelques milliers ou à plusieurs millions d’exemplaires. Cela signifie que le coût marginal de production (coût de production de chaque unité supplémentaire) des biens immatériels et des connaissances est proche de zéro. Or, selon la théorie traditionnelle, le bien-être de la société est maximisé lorsque les usagers ont la possibilité de payer les biens et les services à leur coût marginal, c’est-à-dire au coût de la dernière unité produite. Cela signifie que les biens informationnels, dont le coût marginal est pratiquement nul, devraient être cédés quasi gratuitement. Si cette règle était appliquée, le producteur, incapable de recouvrer le coût fixe de conception, ferait faillite.
Un dilemme bien connu. D’un côté, en effet, la production de connaissance a un rendement social élevé, car il s’agit d’un bien public qui profite à tous, comme nous l’avons vu plus haut. Mais, d’un autre côté, les agents privés ne sont pas incités à investir dans la production de cette connaissance, le rendement étant trop faible si la tarification au coût marginal est appliquée. C’est la raison pour laquelle les entreprises qui font de la R&D demandent à bénéficier d’une protection de leur propriété intellectuelle par les brevets.