Les dispositions de droit commun des systèmes de paiement
Un certain nombre de dispositions de droit commun s’appliquent aux systèmes de paiement.
La finalité des règlements
Le bon fonctionnement des systèmes de paiement suppose que la législation fixe sans ambiguïté la finalité des règlements (zéro hour rule). En cas de faillite d’un participant, il est essentiel de savoir à quel moment précis une créance est considérée comme définitivement payée. Ou la créance est payée et elle sort de la « masse » des créances, ou la créance n’est pas considérée comme définitivement réglée et elle est inclue dans la « masse » avec un risque de remboursement tardif et partiel.
Dans les systèmes bruts de type RTGS, l’acceptation et le règlement des créances sont simultanés, de sorte que les créances ne peuvent jamais tomber dans la « masse ». Les ordres de paiement rejetés par le système faute de provisionnement suffisant et placés en file d’attente ne sont pas considérés comme réglés et donc renvoyés aux banques émettrices en cas de sinistre.
Dans les systèmes net de type DNS avec règlement en fin de journée, la créance n’est considérée comme réglée définitivement qu’au terme de la procédure de règlement auprès de la banque centrale, c’est- à-dire en fin de journée. Dans les systèmes mixtes de type CNS, il faut procéder à un examen du statut des ordres de paiement. Les paiements qui ont fait l’objet d’un règlement définitif à l’occasion des rapprochements réguliers des positions sont considérés comme définitivement réglés. En revanche, les paiements qui sont en attente de règlement – parce qu’ils n’ont pu trouver de contrepartie lors des examens réguliers de la file d’attente en cours de séance et que la procédure de règlement fin de journée n’a pas encore eu lieu – sont exclus de la liquidation. Une Directive européenne (98/26/EC) sur la finalité des règlements a sup-primé la règle de la « zéro hour » dans les systèmes de paiement. Désormais, les accords de compensation sont reconnus par la loi en cas de faillite d’une banque participante et la finalité des paiements compensés ne peut être remise en cause.
Le régime du collatéral
En cas de faillite, les créances couvertes par un collatéral bénéficient d’une priorité par rapport aux autres créances. La documentation juridique doit s’assurer que les titres déposés en nantissement sont mobilisables immédiatement dès la suspension des paiements et sans autre formalité.
En admettant que les titres déposés en nantissement soient l’objet d’ajustements réguliers en fonction de la valeur de marché (appels de marges) et qu’ils comprennent des marges de fluctuations (haircuts), les con¬ditions de marché ont nécessairement changé entre le moment où le sinis¬tre est constaté et le moment où le collatéral est mobilisable. Dans ce cas, la banque défaillante peut bénéficier d’une période de grâce. Une suspen¬sion momentanée des paiements est toujours préférable à une mise en faillite. Les crédits intraday sont renouvelés sous forme de crédit overnight (à des taux pénalisants). En pareil cas, les banques créancières doivent attendre le lendemain pour que le collatéral soit mobilisable – une fois constatée l’impossibilité par la banque défaillante de rembourser les faci¬lités de crédit qui lui ont été consenties la veille. Si le collatéral se révèle insuffisant, le créancier risque de ne pas pouvoir récupérer l’intégralité de sa créance.
La validité des ordres de paiement électronique
Dans ce domaine, chaque pays dispose de sa propre législation, ce qui ne facilite pas les relations transfrontalières. Une Directive européenne (reprise par la loi sur la Société de l’information de 2001) traite de la validité juridique des documents électroniques et de la signature électronique des télépaiements. Pour contrôler l’identité des internautes, garantir la confidentialité et l’intégrité des messages et garder la preuve que l’échange de documents a bien eu lieu, la technique ICP (Infrastructure a Clé Publique) utilise une paire de clés dont l’une – publique – permet à tous de signer ou chiffrer un document, tandis que l’autre – secrète – permet à son seul possesseur de procéder à l’opération inverse.
La législation des brevets
Il n’y a pas d’investissement possible sans raisonner sur un certain horizon. Or les systèmes de paiement sont très vulnérables aux innovations technologiques qui peuvent d’un jour à l’autre rendre obsolète tout ou partie de leurs infrastructures. Il est donc important de bénéficier d’une certaine période garantie par la loi pour rentabiliser les investissements engagés. Le brevet assure un monopole provisoire. Mais s’il est possible de faire breveter des équipements ou des procédés, il est plus difficile de breveter des logiciels et impossible de protéger des savoir-faire. Un logiciel se prête mal à un dépôt de brevet : la description d’un logiciel est malaisée et il est difficile voire impossible d’établir l’antériorité. Sans doute la brevetabilité des logiciels est souhaitable comme est souhaitable la publication de toutes les découvertes et innovations : le brevet permet non seulement
de protéger l’innovation (et de la rentabiliser) mais aussi de rendre publiques les orientations technologiques et de stimuler la recherche. Mais un brevet de logiciel en dit trop ou pas assez : il faut en dire assez pour faire reconnaître l’originalité de l’invention, mais pas assez pour renseigner la concurrence.
La brevetabilité des logiciels est contraire à la Convention de Munich sur les brevets européens qui exclut les créations immatérielles. Cette insécurité juridique risque de décourager les petites structures innovantes. Elle peut aussi être utilisée par les grandes sociétés pour bloquer le développement des logiciels. Aux États-Unis, tout est brevetable. En Europe, une Directive de la Commission autorise le brevet de logiciels « apportant une contribution technique ». L’utilisation d’une technique brevetée n’est pas considérée comme une contrefaçon si elle est nécessaire pour assurer le développement de logiciels. Suivant en cela les partisans du logiciel libre (comme le fondateur de Linux, Linus Torvads), le compromis européen veut protéger l’innovation sans freiner la diffusion des connaissances.
La compensation des créances
La législation américaine autorise le global netting qui permet de com¬penser toutes les créances et les dettes d’une banque sur son client. La loi française sur les Nouvelles Régulations Économiques (NRE) du 15 mai 2001 autorise la compensation des dettes et créances d’une banque sur une même contrepartie. Le global netting à l’américaine demeure interdit, mais la compensation est licite lorsqu’elle est pratiquée par catégories d’opérations : prêts, titres, pensions, instruments financiers. Certaines opérations de compensation sont autorisées avec les entreprises, d’autres avec les banques seules (telle la compensation des instruments financiers sur les marchés des produits dérivés). L’article 41 de la loi belge de 1995 permet à Euroclear, le système européen de règlement-livraison de titres domicilié a Bruxelles de saisir et liquider les actifs qu’il détient pour le compte d’un participant afin de couvrir les dettes de ce participant. Cette législation fait l’économie du collatéral et du coût d’opportunité correspondant.
Toute transaction faisant intervenir plusieurs pays se heurte à un conflit entre les législations en vigueur : certaines sont favorables aux créditeurs, d’autres aux débiteurs ; certaines isolent les actifs disponibles au profit de ses nationaux (méthode dite « territoriale »), d’autres au contraire autorisent la liquidation des actifs du monde entier au profit des créanciers du monde entier (méthode « globale »). On se souvient des conflits entre les législations du Luxembourg, du Royaume-Uni et des États-Unis lors de la liquidation de la banque pakistanaise BCCI basée à Londres.
Les transactions transfrontalières
À défaut d’accord entre les parties, il importe de connaître le droit applicable aux transactions transfrontalières. C’est le cas des systèmes de paiement pratiquant la compensation de créances exprimés en devises différentes ou entre des participants relevant de législations différentes. Ainsi le groupe CLS, un système de compensation multidevises, est éclaté entre plusieurs pays : la holding est domiciliée en Suisse, la banque CLS Bank est située aux États-Unis et la société de service CLS Ltd en Angleterre. En matière de paiement électronique, la loi française dispose qu’en l’absence d’accord entre les parties, c’est la loi de l’émetteur du paiement qui s’applique.
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