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Finance http://finance.savoir.fr Un site utilisant Encyclopédie Savoir.fr Fri, 25 Jan 2013 16:52:41 +0000 fr-FR hourly 1 Insérer les pays du Sud dans une mondialisation plus équitable : http://finance.savoir.fr/inserer-les-pays-du-sud-dans-une-mondialisation-plus-equitable/ http://finance.savoir.fr/inserer-les-pays-du-sud-dans-une-mondialisation-plus-equitable/#respond Fri, 25 Jan 2013 16:52:41 +0000 http://savoir.fr/?p=160333 La plupart des pays en développement – souvent qualifiés de « pays du Sud » – sont mal insérés, sinon marginalisés, dans l’économie de la connaissance et dans la mondialisation. Ils se trouvent dans des situations très différentes. D’un côté, la Chine et l’Inde ont bénéficié d’importants transferts de savoir et de technologie dans le […]

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La plupart des pays en développement – souvent qualifiés de « pays du Sud » – sont mal insérés, sinon marginalisés, dans l’économie de la connaissance et dans la mondialisation. Ils se trouvent dans des situations très différentes.



D’un côté, la Chine et l’Inde ont bénéficié d’importants transferts de savoir et de technologie dans le cadre de la nouvelle division internationale du travail. Les firmes multinationales y ont massivement investi pour créer sur place de nouvelles usines, mais aussi pour y installer des centres de recherche.

Mais, d’un autre côté, un grand nombre de pays en développement connaissent une véritable marginalisation dans la mondialisation. La libéralisation de leurs échanges commerciaux, liée à la signature des différents accords de l’OMC, n’a pas engendré les progrès technologiques nécessaires pour arracher à la pauvreté les cinquante PMA (pays les moins avancés), dont une trentaine sont en Afrique. Or c’est dans le domaine du savoir, élément cité du développement, que les PMA restent les plus démunis. Les importations de machines et d’équipement qui permettraient aux entreprises locales de moderniser leur outil de production ont ralenti à partir des années 1980. Entre 2000 et 2005, les investissements directs étrangers (IDE) dans les pays pauvres n’ont pas dépassé 1 % des flux mondiaux. Les PMA ont importé à peine 18 dollars de biens d’équipement par habitant, contre 207 dollars pour les autres pays en développement.

Malgré l’afflux d’IDE, la plupart des pays du Sud sont cantonnés dans la production de biens à faible valeur ajoutée, faisant appel à une main-d’œuvre peu qualifiée. En outre, ils sont les plus exposés à la fuite des cerveaux. S’ils restent à l’écart de l’économie de la connaissance, ils seront de plus en plus marginalisés dans l’économie mondiale. Le développement et la concurrence dépendent en effet des connaissances plus que des avantages comparatifs tirés des ressources naturelles, même si le prix de ces dernières augmente fortement.

Traiter le savoir comme un bien public mondial :

À la fin du XXe siècle, les Nations unies ont lancé la notion de bien public mondial, dans le cadre de leur programme pour le développement (PNUD). Entrent en premier dans cette catégorie le savoir, l’éducation et la santé. Si l’on reprend la définition des économistes, déjà mentionnée, le savoir est un bien public car il a deux propriétés : nul ne peut être exclu de son utilisation (non-exclusion) et la consommation de ce bien par une personne n’empêche pas sa consommation par d’autres (non- rivalité).

Mais il y a d’autres raisons de considérer le savoir comme un bien public mondial. Le caractère « cumulatif » de la connaissance doit être pris en compte : le savoir dont nous disposons aujourd’hui, et qui conduit au progrès technologique, est le résultat d’une accumulation de nombreuses connaissances acquises par l’humanité depuis des millénaires. Ainsi en est-il du théorème de Pythagore, inventé pendant la Grèce antique, ou des chiffres dits « arabes », transmis à l’Europe depuis l’Andalousie musulmane vers la fin du XIe siècle ; le système décimal ayant lui-même été importé d’Inde par les mathématiciens arabes…

Aujourd’hui, avec la mondialisation, les échanges se multiplient, les pays du Nord profitent du savoir des pays du Sud. Ainsi, la haute couture française s’inspire des tenues vestimentaires africaines. De même, certains procédés technologiques développés par les firmes multinationales des pays du Nord exploitent, le plus souvent gratuitement, des savoirs des pays du Sud : des médicaments vendus par de grands groupes pharmaceutiques utilisent les bienfaits de plantes entrant dans la pharmacopée des peuples indigènes, par exemple en Amérique latine. C’est ainsi qu’un brevet a été déposé aux États-Unis sur le quinoa, une plante originaire des Andes et à forte teneur protéique. Ce genre de pratique répréhensible relève du piratage du patrimoine mondial de l’humanité.

Puisque le savoir est un bien public mondial, il doit circuler librement sur la planète, dans l’intérêt général. L’un des paradoxes de la mondialisation actuelle est que ses promoteurs souhaitent y développer une libre circulation des biens, des services et des capitaux, mais que ce principe est bafoué dans deux domaines essentiels, comme nous l’avons déjà montré : la circulation des hommes (migrations) et celle du savoir (propriété intellectuelle).

Il convient de lutter spécialement contre la marchandisation, c’est-à-dire l’appropriation privée des savoirs, en délimitant les biens communs mondiaux : santé, connaissance, savoirs traditionnels locaux, etc. Les agences publiques internationales sous l’égide de l’ONU – tout particulièrement l’UNESCO – peuvent jouer un rôle de régulateur et freiner la privatisation excessive des savoirs en favorisant leur diffusion, notamment vers les pays du Sud.

Parallèlement, il est possible d’organiser un système public international (non marchand), financé par des taxes globales, pour certaines technologies (notamment pour la santé) dont la demande émane principalement des pays du Sud. L’on peut tirer argument de ce que tous les brevets industriels, et plus généralement les productions intellectuelles protégées par les lois sur la propriété intellectuelle, utilisent pour une bonne part un fonds commun d’informations, de connaissances appartenant de manière indivise à l’humanité tout entière.

Il serait donc légitime que, reconnaissant le caractère de bien public mondial de ce savoir commun, une partie des ressources tirées des brevets et de la propriété intellectuelle soit redistribuée à la collectivité internationale. Un moyen de collecter ces ressources serait de passer par l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Celle-ci prélève des sommes importantes au titre des redevances imposées aux entreprises désireuses de déposer des brevets industriels. Une part de ses fonds pourrait être affectée, sur la base d’une contribution obligatoire, à des agences spécialisées de l’ONU (OMS, UNESCO, UNICEF), notoirement sous-financées… L’UNESCO pourrait par exemple mettre en place une bibliothèque publique numérique mondiale; l’OMS, financer des programmes de recherche pour lutter contre les pandémies ; l’UNICEF, renforcer ses programmes éducatifs en direction des enfants du pays du Sud.

Financer le développement par une fiscalité internationale :

L’un des obstacles majeurs au développement, à l’origine de la marginalisation des pays les moins avancés, est l’insuffisance et l’instabilité des financements Nord-Sud. Les financements privés dont disposent ces pays sont faibles et fluctuants, alors même que, selon l’analyse économique traditionnelle, ces pays devraient recevoir d’importants financements internationaux. En effet, les PMA manquent de capital, mais ont le plus souvent d’importantes ressources en main-d’œuvre.

Selon la théorie néoclassique présentée dans les manuels d’économie, la productivité du facteur rare (le capital) devrait être élevée, plus élevée que dans les pays avancés où le capital est abondant. Les financements internationaux devraient donc être attirés vers les PMA. Les prédictions sont contredites par les faits : le fameux paradoxe de Lucas – Prix Nobel d’économie – montre les limites de cette théorie. Deux explications sont données à ce paradoxe. D’une part, le niveau d’éducation est insuffisant dans les PMA pour valoriser dans de bonnes conditions le capital investi. D’autre part, les infrastructures publiques (transport, énergie…) et les institutions des PMA sont inadaptées.

Puisque les financements privés traditionnels – notamment les IDE – sont insuffisants, il est indispensable de promouvoir d’autres formes de financement en faveur des pays en développement. L’aide publique au développement (APD) est supposée fournir les ressources financières nécessaires aux PMA. Mais les pays riches n’ont pas rempli leur engagement de consacrer 0,7 % de leur PIB à l’APD. Résultat : il manque au moins 50 milliards de dollars pour atteindre les objectifs de développement du millénaire (ODM) fixés par les Nations unies à la fin du siècle dernier. Un doublement de l’APD serait nécessaire pour combler ce déficit.

Face à cette situation, de nouvelles formes de financement public doivent être envisagées. L’une des pistes les plus prometteuses serait de mettre en place un nouveau système de fiscalité internationale. Des travaux récents montrent qu’il n’existe pas d’obstacle technique à la création de taxes internationales. Tout dépend de la volonté politique des États, qui seuls disposent aujourd’hui du pouvoir de taxer. Ces nouvelles taxes, décidées dans le cadre d’accords internationaux, peuvent avoir des domaines d’application différents : taxes à vocation environnementale (écotaxes), taxes sur les armements, taxes sur les transactions financières telles que la taxe Tobin sur les opérations de change destinée à freiner la spéculation.

Une première réalisation, modeste, de cette nouvelle approche est la taxe sur les billets d’avion, proposée par le président Chirac à la tribune des Nations unies en 2005, à l’occasion du sommet sur les objectifs du millénaire pour le développement. Appliquée par une trentaine de pays, cette taxe humanitaire est destinée à lutter contre les pandémies (sida, paludisme, tuberculose) qui frappent surtout les pays pauvres et font 6 millions de morts chaque année. Il est nécessaire d’aller plus loin dans la voie des taxes globales, particulièrement adaptées à la lutte contre la pauvreté et au financement des biens publics mondiaux comme la santé et l’éducation.

Réduire les prélèvements sur les transferts des migrants :

L’une des principales ressources financières des pays du Sud tient aux transferts réguliers et stables de l’épargne des migrants, qui représentaient près de 300 milliards de dollars en 2007 et dépassaient, pour la plupart des pays en développement, les entrées d’investissements directs, de capitaux à court terme et, très largement, l’APD. Il est d’autant plus important d’augmenter l’APD que les travaux récents confirment la complémentarité entre cette dernière et les transferts de fonds des migrants.

En outre, l’une des grandes injustices est le poids excessivement élevé des prélèvements des organismes réalisant ces transferts (Western Union, Moneygram, etc.). Ces prélèvements  s’élèvent en moyenne et sont d’autant plus élevés que les munl.mls sont faibles : sur 100 euros, Western Union piclcvrciuos. Une situation due au monopole de ces organises, mais aussi à la défiance des migrants à l’égard des systèmes bancaires des pays d’origine. l’une des priorités serait de réduire sensiblement ces prélèvements, qui, en outre, favorisent les transferts d’argent par des canaux informels.

Partager les bénéfices de la fuite des cerveaux :

Nous avons montré que, paradoxalement, les pays du Sud s’insèrent principalement dans la mondialisation par les migrations internationales, en particulier de personnes qualifiées, en dépit des restrictions considérables qui pèsent sur la mobilité du travail. La fuite des cerveaux tend à s’accélérer et à handicaper durement le développement des pays les plus pauvres. Or les travaux montrent que, au-delà d’un seuil significatif d’expatriation de leurs qualifiés, les pays perdent beaucoup, alors que les pays d’accueil sont toujours gagnants. Il y a donc un partage tout à fait inéquitable des fruits de la fuite des cerveaux.

Pour lutter contre ces effets pervers, des propositions ont été avancées dès les années 1970 par Jagdish Natwarlal Bhagwati et Koichi Hamada pour mettre en place une taxe sur le « brain drain », prélevée sur les migrants ayant un haut niveau d’éducation et de qualification. Cette taxe a pour objectif de décourager le « brain drain » et de répartir les coûts de l’éducation entre les pays du Nord et du Sud. Jadish Bhagwati proposait en 1976 que les revenus de cet impôt soient versés à des fonds des Nations unies destinés à financer les programmes d’éducation et de développement des pays du Sud.

Cette proposition reste largement d’actualité, même s’il convient de plutôt taxer les États des pays d’accueil que les migrants eux-mêmes. En effet, dans l’approche de Bhagwati, l’idée sous-jacente est que le capital humain a un coût social pour le pays d’origine du migrant, mais que le bénéfice est privé car il profiterait seulement au migrant qualifié. Or le capital humain engendre des externalités positives pour la collectivité tant dans le pays d’origine qui subit une perte, que dans le pays d’accueil qui en bénéficie. Il convient donc de prélever cette taxe sur les États des pays d’accueil et de la reverser aux pays d’origine concernés par la fuite des cerveaux.

Un autre problème relatif aux bénéfices non partagés du brain drain concerne le retour des compétences des migrants qualifiés dans leur pays d’origine.

Les politiques d’aide au retour des migrants se révèlent inefficaces. Peu d’entre eux regagnent leur pays d’origine, et ceux qui le font sont les moins qualifiés. Il est donc impossible de faire bénéficier les pays du Sud des compétences des migrants qualifiés. Il serait dès lors judicieux d’accorder une liberté complète de circulation des compétences avec un statut à long terme, et non un statut précaire comme dans la loi française sur les compétences et les talents de 2003, qui instaure un statut de trois ans renouvelable une fois pour les migrants qualifiés. Car les travaux montrent que les migrants qualifiés reviennent plus difficilement dans leur pays d’origine et n’y développent pas d’activités lorsqu’ils ont des statuts juridiques précaires dans les pays d’accueil. En revanche, la liberté de circulation, que permet par exemple la double nationalité, est un facteur important de coopération des diasporas avec les pays d’origine.

Au total, les pays du Nord comme ceux du Sud gagneraient à une plus grande liberté de circulation des compétences et des personnes.

Il s’agit de désenclaver la connaissance en donnant la priorité à l’éducation, et à sa dimension collective, largement négligée dans une société qui valorise la compétition interindividuelle. Les politiques publiques doivent être également repensées afin d’être centrées sur les aides aux personnes plutôt qu’aux territoires et aux entreprises car la connaissance est d’abord incorporée dans la personne.

Enfin, il est essentiel de s’attaquer à toutes les formes de contrôle et d’appropriation du savoir qui freinent l’innovation et la diffusion de la connaissance. Il convient, à ce sujet, de réduire l’emprise excessive de la propriété intellectuelle par de nouvelles formes de protection. Les principales victimes du caractère inégalitaire et polarisé de l’économie du savoir sont les pays les moins avancés, qui ont besoin de bénéficier de transferts de technologie pour mettre fin à leur marginalisation dans la mondialisation.

Afin d’atteindre cet objectif fondamental, des mesures peuvent être mises en œuvre, telles que la fiscalité internationale, pour freiner le brain drain qui affaiblit les pays les plus pauvres, et pour financer la diffusion du savoir, bien public planétaire.

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Désenclaver la connaissance, au Nord comme au Sud : http://finance.savoir.fr/desenclaver-la-connaissance-au-nord-comme-au-sud/ http://finance.savoir.fr/desenclaver-la-connaissance-au-nord-comme-au-sud/#respond Fri, 25 Jan 2013 16:47:50 +0000 http://savoir.fr/?p=160330 Lutter contre l’« enclosure » du savoir dans les pays du Nord :          Quatre mesures pourraient y contribuer : la priorité donnée à l’éducation et à l’apprentissage collectif, le ciblage des aides publiques sur les personnes et les territoires plutôt que sur les entreprises, le soutien aux centres d’excellence locaux à côté des pôles de […]

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Lutter contre l’« enclosure » du savoir dans les pays du Nord :

         Quatre mesures pourraient y contribuer : la priorité donnée à l’éducation et à l’apprentissage collectif, le ciblage des aides publiques sur les personnes et les territoires plutôt que sur les entreprises, le soutien aux centres d’excellence locaux à côté des pôles de compétitivité, et enfin la lutte contre l’emprise excessive de la propriété intellectuelle. Priorité à l’éducation et à l’apprentissage collectif.



Il s’agit d’assurer l’accès de tous à l’éducation et à la formation tout au long de la vie. En matière de formation initiale, la France est plutôt bien placée selon les indicateurs de l’OCDE. Mais il y a deux problèmes à résoudre : l’échec scolaire et l’insuffisance de l’apprentissage collectif. L’insertion professionnelle des jeunes ne fonctionne pas de manière satisfaisante. L’on constate ainsi un taux d’échec élevé au cours du premier cycle universitaire. Actuellement, 50 % des étudiants se trouvent en situation d’échec au terme de la première année d’université.

L’une des principales causes est le dualisme typiquement français entre les universités et les grandes écoles. Sur les 4 300 établissements d’enseignement supérieur recensés en France, 43 % n’ont pas de statut public. Parmi eux, les « grandes écoles » et une myriade d’établissements un peu moins prestigieux qui jouissent d’un statut privilégié. Ces grandes écoles pratiquent une sélection des élites et reçoivent les moyens les plus élevés, ce qui pénalise la masse des étudiants et accroît les inégalités d’accès au savoir. Ainsi, dans les grandes écoles, le coût par élève est de 20 000 euros environ pour seulement près de 5 000 euros dans les universités.

Comme l’explique Pierre Veltz dans Faut-il sauver les grandes écoles?, tout en formant des diplômés de grande qualité en sciences, ces grandes écoles présentent aussi de graves inconvénients pour l’économie et la société française. En pratiquant une hypersélectivité sociale, elles ne permettent pas d’élargir la base de diffusion des connaissances et le renouvellement des cadres et des ingénieurs. Cette sélectivité sans égale ne les empêche pas de ne pas être à dimension internationale : avec leurs promotions de cent à quatre cents ingénieurs, elles souffrent d’un problème de masse critique en matière de recherche. Ces trop petites « grandes écoles » demeurent des inconnues à l’étranger. Résultat, la France est absente du circuit de plus en plus mondialisé qu’est la formation des élites scientifiques, techniques et même politiques.

Bien sûr, le dualisme grandes écoles/universités est présent sous des formes diverses dans les autres pays développés. Mais, en France, la politique de l’État, supposée réduire les inégalités, joue un rôle actif dans l’organisation de ce système. Sortir de cette situation malsaine impliquerait d’affecter des moyens similaires aux universités et aux grandes écoles, tout en exigeant des universités les mêmes niveaux d’enseignement. Évidemment, il ne faut pas laisser sur le côté les étudiants qui ne seraient pas acceptés dans les premiers cycles universitaires. L’on pourrait, par exemple, proposer d’orienter les bacs professionnels vers les IUT qui auraient obligation de les accueillir, alors qu’actuellement ces étudiants vont vers les universités et connaissent un taux d’échec élevé en premier cycle.

La dimension collective de la création et de l’acquisition des connaissances est également mal prise en compte par les systèmes de formation. L’on ne crée pas des connaissances seul, mais en interaction avec les autres. Un apprentissage du travail en groupe dès le plus jeune âge est donc nécessaire ; or les dispositifs actuels d’évaluation individuelle vont à l’encontre de l’apprentissage collectif. Car une économie mettant en place des dispositifs collaboratifs conforte son insertion dans l’économie du savoir. Outre les critères de qualité individuelle, dans les méthodes d’évaluation et de sélection, il convient donc de donner un poids bien plus important aux capacités de collaboration collective dans l’enseignement.

Priorité aux aides publiques aux personnes et aux territoires :

Si l’on veut favoriser le développement de l’économie du savoir, il importe de concentrer les efforts sur les personnes plutôt que vers les entreprises. Une caractéristique essentielle du savoir est en effet que celui-ci est « incorporé » à l’être humain. Depuis trop longtemps en France, les aides publiques sont quasi exclusivement ciblées sur les entreprises, que ce soient celles de l’État central ou celles des collectivités locales qui cherchent à les attirer pour favoriser les créations d’emploi.

Mais l’État ne peut savoir a priori si les entreprises qui vont être attirées ont vocation à un ancrage territorial, ou si elles développent des stratégies de nomadisme, voire de volatilité territoriale. Pire, la politique de subvention aux entreprises attire en général des entreprises nomades ou volatiles, que nous avons qualifiées de « tayloriennes flexibles ». En fait, les entreprises attirées par les aides ont une faible pérennité de localisation. Très performantes dans la maîtrise de la logistique et le marketing, elles peuvent concilier la délocalisation dans les pays à bas salaires et la réponse rapide aux fluctuations de la demande sur les marchés européens. Les aides en poche, elles quittent le territoire à l’approche de la fin de la période d’exonération des charges sociales ou fiscales.

De plus, en aidant les entreprises des secteurs en difficulté, on ne fait qu’accentuer les fragilités intrinsèques du territoire face à la mondialisation. Au lieu d’aider la région à échapper à la concurrence par les prix des pays à bas salaires, l’on diffère les effets du choc de la mondialisation. Une politique plus offensive consisterait à anticiper les chocs en concentrant les aides directement sur les personnes : politiques d’éducation, de formation, d’acquisition des langues étrangères, infrastructures du territoire lui-même. Des ressources pourraient ainsi être affectées à la prévention, avec l’objectif de consolider les connaissances techniques, intellectuelles, linguistiques des individus pour favoriser leur mobilité sectorielle et géographique. Cet avantage est susceptible d’attirer les entreprises dont la vocation à l’ancrage territorial est plus forte, qui tirent leurs avantages de la qualité du territoire et des hommes et femmes qui y vivent plus que de la logistique, par exemple. Des firmes insérées dans une logique de division cognitive du travail.

L’une des seules mesures prises en ce sens en France consiste à « offrir » une aide de 1 000 euros par personne mise au chômage à la suite d’une délocalisation ou d’un plan social si celle-ci accepte de changer de région (loi Breton, 2005). Or les plus vulnérables sont les moins mobiles pour des raisons fondamentales : besoins de réseaux familiaux et sociaux, coût prohibitif du logement, problème de garde des enfants, etc., autant de problèmes qui ne peuvent être réglés par une aide ponctuelle et définitive de 1 000 euros !

L’objectif prioritaire doit donc être de prévenir la fragilité des personnes plutôt que la fragilité des firmes. De ce point de vue, la mise en œuvre du Fonds européen d’ajustement de la mondialisation va dans le bon sens, à condition que ce dispositif puisse réellement être dynamisé et complété aux niveaux national et local par des aides aux personnes qui ne se réduisent pas à des ajustements a posteriori.

Favoriser les initiatives locales en ciblant clairement les objectifs :

Les territoires jouent un rôle essentiel dans la mondialisation. Or les débats récents sur la politique régionale ont trop souvent porté le message simpliste d’un dilemme efficacité/équité qui se poserait en ces termes :

–           soit favoriser la concentration pour être efficace, et donc connaître une plus forte croissance dans la compétition internationale en développant des pôles de compétitivité ou d’excellence ;

–           soit mener une politique d’équité territoriale qui conduit à saupoudrer les ressources entre des régions n’affichant pas les mêmes performances, ce qui, selon les tenants de la première approche, conduit à l’inefficacité et au gaspillage.

Dans la réalité, il n’y a pas nécessairement de contradiction entre ces différentes options, surtout dans un monde où la trop grande agglomération induit aussi des coûts élevés (coûts fonciers, environnement, qualité des relations sociales, ghettoïsation des périphéries urbaines, etc.). L’intervention en faveur des territoires peut jouer à la fois en faveur de l’efficacité et de l’équité. Les analyses conduisant à cette opposition binaire entre l’efficacité de la polarisation et l’équité sociale de la redistribution territorialisée sont réductrices. Elles aboutissent souvent à privilégier des logiques d’offre et excluent la demande, d’une part, et mettent l’accent sur les activités manufacturières et excluent les services, d’autre part.

La dynamique de la demande doit être prise en compte. Les revenus distribués à l’occasion des politiques territoriales ont en effet un impact important et positif sur le développement économique et social des territoires. Par ailleurs, l’autonomie de la localisation des ménages, dans un contexte de vieillissement démographique, d’inégalités intergénérationnelles face à l’accès au logement et en termes de patrimoine et de revenus, n’est pas suffisamment prise en compte. Or, sa prise en considération ouvre d’autres voies à la politique régionale.

Par exemple, l’État peut favoriser des politiques de développement d’activités de services aux personnes et aux entreprises en direction de territoires résidentiels – en France, arcs alpin, atlantique, etc. – qui attirent de plus en plus de populations, des retraités mais aussi des actifs découragés par les coûts fonciers et urbains des grandes agglomérations. Au lieu de laisser ces territoires dans la simple logique d’exploitation des ressources fixes (tourisme soleil), il est possible d’enclencher par une politique active une logique de développement résidentiel productif. En d’autres termes, en s’engageant dans la labellisation d’environ soixante-dix pôles de compétitivité, l’État favorise la dilution des objectifs et le saupoudrage des moyens pour une efficacité douteuse, alors que des marges de manœuvre existent pour développer les territoires sur d’autres bases.

Réduire l’emprise excessive de la propriété intellectuelle :

L’objectif est de trouver un nouvel équilibre entre l’incitation à innover (protection de l’inventeur et de l’innovateur) et la diffusion des savoirs et des innovations. Dans ce domaine, il revient aux autorités publiques, à l’échelle nationale et surtout européenne, de ne pas confondre les avantages des dépôts de brevets au niveau microéconomique pour inciter les firmes et les PME à innover, d’une part, et les effets macro-économiques ou sociétaux de la prolifération des dépôts de brevets qui peut aller à l’encontre de l’innovation et de la recherche, d’autre part. En d’autres termes, il s’agit de favoriser l’effet d’incitation sans compromettre l’effet de diffusion, voire de production de la recherche fondamentale.

Or les institutions qui défendent la propriété intellectuelle dans les économies contemporaines n’ont pas réussi à surmonter cette contradiction fondamentale au cœur de l’économie de la connaissance. Elles ont engendré un phénomène d’accaparement des connaissances qui nuit à leur diffusion et freine l’innovation. Deux problèmes clés sont en effet posés : d’abord, la prolifération des dépôts de brevets par les firmes et l’effet pervers que cela a sur les comportements d’innovation et les risques que prennent les agents ; ensuite, la soumission de la recherche fondamentale, dans les sciences du vivant par exemple, à la « commercialisation » et à la finance de marché, avec les effets négatifs sur l’innovation de la sous-valorisation boursière, du moins dans le long terme.

Contrôler la qualité des brevets. Le brevet a pour but d’inciter à l’innovation des firmes privées en leur assurant un monopole sur le résultat de leur investissement. Son impact sur la recherche et l’innovation privées devrait donc être positif.

Or, comme le montre un rapport du Commissariat général du Plan , l’on assiste à une inflation des dépôts de brevets qui menace la qualité d’ensemble de ces derniers dans la plupart des pays industriels, y compris en Europe. Cette prolifération {voir le chapitre 9) relève de comportements stratégiques de groupes qui, s’appuyant sur des grands cabinets d’avocats, cherchent à entraver l’innovation des concurrents et des PME. Une haute autorité européenne pourrait être chargée de contrôler la légitimité et la qualité des brevets déposés. En outre, il serait souhaitable de mettre un terme au système actuel, dans lequel les organismes de dépôts de brevets sont rémunérés en fonction du nombre de dépôts. Doter l’Office européen des brevets de ressources budgétaires strictement publiques pourrait le mettre à l’abri de cette dérive.

La génétique fournit un bon exemple des effets négatifs de la protection de la propriété intellectuelle et du brevetage des connaissances. Les progrès considérables de la recherche en génétique humaine réalisés au cours des années 1990 ont été d’abord réalisés dans des systèmes publics de recherche, en particulier grâce au lancement du Projet génome humain (HGP) aux Etats-Unis. Il s’agissait d’un programme académique, présenté comme un projet fédérateur visant à encourager une collaboration internationale entre les différentes communautés scientifiques.

Ce programme était fondé sur de la « science ouverte », qui confère à la connaissance produite le caractère de bien public : d’une part, les règles de priorité et de réputation jouent un rôle fondamental d’incitation à la production des connaissances ; d’autre part, ces règles autorisent un partage et une diffusion complète des résultats produits. Le savoir produit est un bien libre, rendu disponible et réutilisable par tous à travers les banques de données informatisées.

Jugeant le secteur public ou académique de la recherche insuffisant (duplication, redondance, faiblesse des financements, etc.), une partie de la communauté scientifique américaine a favorisé la commercialisation du projet et le brevetage par des firmes privées de résultats publics.

L’efficacité recherchée a bien été obtenue par ces nouvelles firmes à la pointe de la recherche dans les biotechnologies, les nanotechnologies, l’informatique… Mais ce recours au secteur marchand a également fragilisé le système d’innovation fondé sur la science ouverte, et soumis son financement aux aléas des bulles financières et des crises boursières. De plus, rien ne garantit qu’en retour la commercialisation par le brevetage et le financement boursier soit rentable. Ainsi, bien que les principales firmes de génomique continuent de consacrer annuellement à leurs investissements de R&D des sommes supérieures à leur chiffre d’affaires total, elles n’ont pas réussi à assurer leur rentabilité financière. En effet, les cours boursiers de ces firmes sur le Nasdaq ont connu, sur longue période, des baisses significatives. Dans le domaine des nouvelles technologies de télécommunication, des problèmes similaires se sont posés.

Plus généralement, la multiplication des brevets ne garantit pas la performance financière. Ainsi, le nombre et la qualité des brevets détenus par les mille entreprises qui investissent le plus en R&D dans le monde ne sont pas corrélés statistiquement avec les résultats financiers desdites sociétés, si l’on en jugé par les bénéfices ou les dividendes versés aux actionnaires.

Les investisseurs ont tendance à sous-estimer le rendement social des projets de recherche fondamentale, dont ils ne savent pas mesurer les véritables gains pour la collectivité. Le danger existe alors d’une production de recherche fondamentale collectivement peu efficace. Cela est d’autant plus inquiétant que le secteur public est de moins en moins à même de compenser les effets pervers de la commercialisation et de la financiarisation de la recherche. Il est donc essentiel de préserver le secteur public de la recherche en le dotant d’un budget stable et indépendant des aléas de la finance de marché. La sanctuarisation des dépenses de recherche publique proposée plus haut pourrait y contribuer.

Pour de nouveaux critères pluriels d’évaluation de la recherche. Depuis le milieu des années 2000, les réformes affectent l’université et la recherche dans deux directions : la concentration géographique autour de quelques pôles d’excellence conduisant à la formation de mastodontes, et l’évaluation des établissements et des chercheurs selon les seuls critères importés des sciences expérimentales. Ceci conduit à introduire des logiques de marchandisation et de financiarisation de la recherche fondamentale, notamment dans les établissements publics français.

La concentration autour de quelques pôles est souvent justifiée par l’existence d’investissements matériels coûteux, particulièrement dans les sciences expérimentales, qui requièrent une masse critique importante et exigent le regroupement des laboratoires de recherche autour des RTRA (réseaux thématiques de recherche avancée) et le sacrifice des laboratoires périphériques.

La poursuite de la concentration dans les grands sites universitaires peut servir l’efficacité de la recherche et sa visibilité internationale. Mais l’erreur serait de considérer que tous les  centres de recherche dolveul cire de très grande taille pour obtenir des résultats compctilils à l’échelle internationale.

Ainsi, la ici lien lie en si jeunes sociales fonctionne selon une logique (indiciel de celle des sciences expérimentales. Le lien cuire ici lieu lie fondamentale et applications concrètes est généralement beaucoup moins direct en sciences sociales. Les travaux d’un chercheur en biologie peuvent aboutir à la production de nouvelles molécules. Ceux d’un historien n’ont généralement pas d’applications précises, mais peuvent néanmoins se révéler d’une grande utilité – le plus souvent non marchande – pour la société. Les laboratoires en sciences sociales peuvent travailler en réseau, et donc être davantage dispersés géographiquement.

Concernant les modes d’évaluation des laboratoires et des chercheurs, il est également essentiel de reconnaître les différences entre les domaines scientifiques. L’application à toutes les disciplines des stricts principes d’évaluation issus des sciences expérimentales, comme la bibliométrie et les indices d’impact, peuvent mettre en péril les sciences sociales au lieu de leur permettre d’évoluer et d’innover.

De ce point de vue, la réforme de la recherche et de l’enseignement supérieur en France est critiquable, car elle cherche à imposer aux sciences sociales les méthodes d’évaluation appliquées aux sciences expérimentales, alors même que dans d’autres pays, comme les États-Unis, ce type de politique commence à être remis en cause en raison de ses effets pervers. Il convient donc de préconiser une évaluation pluraliste fondée sur deux axes principaux : le développement de capacités d’évaluation diversifiées, à travers la création d’agences indépendantes, en sciences sociales et humaines comme en sciences expérimentales ; l’établissement de critères d’évaluation adaptés aux différentes disciplines (revues scientifiques, ouvrages collectifs, essais, etc.).

Une institution spécifique devrait être créée au niveau européen. En France, alors que les sciences sociales et expérimentales sont évaluées aujourd’hui par une même institution  utilisant des critères communs, il serait souhaitable de créer une agence d’évaluation de la recherche en sciences sociales (AERSS), à côté d’une agence propre aux sciences expérimentales (AERSE). Il s’agit de valoriser les compétences de la France, par exemple dans les domaines de la psychologie, de la philosophie, de l’économie et de la sociologie, et de favoriser une grande filière de l’amont (sciences sociales et de gestion) vers l’aval (groupes et entreprises de conseil et d’étude utilisant ces savoirs).

Dans un contexte d’incertitude sur l’avenir des marchés et d’incapacité de la Bourse à évaluer avec justesse la valeur des actifs réels et cognitifs des entreprises, les sciences sociales peuvent jouer un rôle dans l’anticipation de l’avenir. La pluridisciplinarité au sein des sciences sociales, et entre ces dernières et les sciences expérimentales, existe déjà dans les faits dans certains domaines de la recherche publique, à l’instar des neurosciences. Plutôt que de sacrifier les sciences sociales sur l’autel de la crise et des économies budgétaires, il faudrait développer la connaissance des marchés et des comportements des agents, en explorant d’autres voies telles que la pluridisciplinarité et les rencontres chercheurs-praticiens.

La crise financière : une opportunité pour relancer la recherche publique. La recherche fondamentale publique peut aussi retrouver un élan dans un contexte où la fin de l’inflation des salaires dans la finance et les grandes entreprises peut attirer de plus en plus de jeunes vers les formations doctorales et la recherche, en raison de la stabilité et la garantie d’emplois qu’offre le système français public de recherche et d’enseignement supérieur.

Il est donc prioritaire de renforcer le CNRS et les autres EPST (Établissements publics de la science et de la technologie) qui peuvent devenir plus attractifs. Il existe une cohérence des systèmes nationaux de recherche et d’innovation qui, en Europe, sont dans une relation de complémentarité. Les déstructurer brutalement en important des modèles inadaptés au contexte institutionnel îles pays européens peut réduire leur capacité à résister à la crise et à se réformer.

Enfin, il est souhaitable de redonner une dynamique à la stratégie dite « de Lisbonne » par le développement de pôles transeuropéens dans la recherche fondamentale et appliquée, afin de contrer les graves faiblesses de la R&D européenne. Une mutualisation des ressources à l’échelle de l’Union devrait dépasser les simples objectifs de convergence du montant des dépenses de R&D, inscrits dans l’agenda de Lisbonne. Cette mise en commun implique de définir de véritables programmes visant à intégrer les projets technologiques des grandes régions européennes.

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La connaissance est un bien public qui ne peut, par nature, être pris en charge par les seuls acteurs privés. Il est dès lors essentiel que l’État et les politiques publiques jouent un rôle de premier plan dans la production et la diffusion de la connaissance. Rappelons qu’aux États-Unis, pays de la libre entreprise, l’efficacité du système d’innovation s’explique en partie par le rôle décisif joué par l’État.

Depuis la Seconde Guerre mondiale, l’État américain est profondément impliqué dans le financement et l’organisation de la recherche. Plus de 70 % du soutien de la recherche en sciences informatiques et dans les disciplines connexes viennent de l’État fédéral. L’un des principaux bénéficiaires de ces largesses a été l’université de Stanford, au cœur de la Silicon Valley. Le soutien de l’État américain va bien au-delà du rôle de bailleur de fonds. Le Congrès a voté des lois qui servent les intérêts des firmes américaines. Ainsi en est-il des lois sur la propriété intellectuelle.

Dans les pays européens continentaux, la place centrale de l’État a contribué aux bonnes performances des Trente Glorieuses u. Il ne faudrait pas que ce rôle stratégique soit remis en cause à l’ère de l’économie de la connaissance pour des raisons idéologiques. C’est à tort que l’on a cru pouvoir mettre les États en congé de la gestion de l’économie, à la suite de cette sorte d’idéalisme libéral du tout marché qui a suivi la chute du mur de Berlin.

L’État actionnaire dans l’économie de la connaissance :

Le capitalisme français se caractérise par le fait que l’État détient une part importante du capital des entreprises (environ 15 %), en dépit des nombreuses privatisations mises en œuvre depuis le milieu des années 1980. Au total, l’État détient un portefeuille de participations dans les sociétés cotées et non cotées évalué à 200 milliards d’euros en mai 2007. Cette part importante des participations publiques est un atout pour l’économie française. Certaines de ces participations publiques portent sur des sociétés de haute technologie comme EADS (15 % du capital) et Areva (l’État détient indirectement 84 % du capital, participation évaluée à 21,8 milliards d’euros). Depuis le lancement des privatisations en 1986, le total des recettes de cessions d’actifs s’élève à 82 milliards d’euros.

Si l’on admet que l’accumulation du savoir est devenue stratégique, un redéploiement des prises de participations de l’État dans l’économie du savoir devrait être une priorité. De ce point de vue, la rallonge budgétaire de 5 milliards d’euros en faveur des universités en 2007, prise sur le produit de la vente de 3 % du capital d’EDF, peut apparaître comme une bonne décision. L’objectif étant d’assurer le financement de « campus d’excellence capables d’attirer les meilleurs chercheurs et étudiants ».

Il est intéressant d’analyser le comportement de l’État actionnaire, tel qu’il est décrit par l’Agence des participations de l’État (APE) . Au sein des groupes industriels dans lesquels l’État a une participation minoritaire (Safran, France Télécom, Renault et EADS), la part du bénéfice redistribuée aux actionnaires sous forme de dividendes est élevée et comparable à celle reversée par les groupes privés du CAC 40, soit entre 40 % et 50 %. En revanche, lorsque l’État est actionnaire unique, le taux de réversion est beaucoup plus faible : 14,95 % à La Poste et 12,57 % à la SNCF en 2007.

La conclusion est claire : lorsque l’entreprise est majoritairement aux mains d’actionnaires privés, l’État est obligé de s’aligner sur les exigences de ces derniers, et de leur redistribuer une part importante des profits – dans le cas contraire, il s’exposerait à une sanction de la part des investisseurs et du marché. Mais lorsqu’il est seul maître à bord, l’État privilégie le long terme et laisse les entreprises réinvestir leurs bénéfices pour préparer l’avenir. Ce levier de l’action publique est nécessaire face au court-termisme et au comportement prédateur des investisseurs privés.

Pour une gestion du patrimoine de l’État tournée vers l’accumulation du savoir :

Les actifs immatériels détenus et gérés par l’État sont mal connus et très largement sous-estimés. L’État a soumis le 29 mai 2007 à la Cour des comptes un bilan financier de son patrimoine, qui fait apparaître 500 milliards d’actifs et 1100 milliards de passif.

Mais il s’agit là d’une vision très partielle du patrimoine de l’État, et donc de la collectivité nationale. L’Agence du patrimoine immatériel de l’État (APIE) a été créée le 16 mai 2007, à la suite des recommandations du rapport Jouyet-Levy sur l’« économie de l’immatériel  ». L’objectif est que les administrations publiques nationales et locales gèrent mieux leurs actifs immatériels. Cela signifie en particulier, selon les recommandations du rapport Jouyet-Levy, une meilleure valorisation marchande des actifs immatériels publics. L’exemple mis en avant est la concession à l’émirat d’Abou Dhabi du nom du Louvre, pour 400 millions d’euros. D’autres musées, ainsi que des communes, sont incités à se faire rémunérer pour l’utilisation de leur nom. Il en va de même pour l’exploitation d’images de bâtiments publics dans une logique publicitaire.

Dans une optique de service public et de défense de l’intérêt général, la politique de valorisation des actifs immatériels de l’État ne peut se réduire à une approche purement  marchande. Cette politique devrait être complétée par la mise à la disposition des citoyens, gratuitement, des actifs culturels et cognitifs détenus par l’État, notamment grâce à des bases de données et des logiciels – ces actifs immatériels étant des biens publics.

Ces propositions destinées à mettre la finance au service de l’économie de la connaissance doivent être accompagnées de politiques visant à désenclaver le savoir. Il s’agit de réformer profondément les modes d’apprentissage ainsi que les systèmes d’éducation et de protection de la propriété intellectuelle. L’objectif est de lutter contre les inégalités d’accès aux connaissances qui tendent à se creuser dans l’économie du savoir en raison de la logique de polarisation qui la sous-tend. Ces inégalités concernent tout autant les personnes que les territoires.

Pour résumer, les politiques économiques ont un grand rôle à jouer dans cette période de transition où l’économie mondiale cherche à sortir d’une crise profonde du capitalisme moderne. Elles doivent s’attaquer en priorité aux dysfonctionnements qui touchent à la finance et à l’économie du savoir.

Il importe de mettre la finance au service du savoir, c’est- à-dire de créer les conditions pour que le système financier accompagne l’accumulation des connaissances, au lieu de freiner celle-ci et même d’en saper les bases, comme c’est le cas aujourd’hui. Le rôle des investisseurs de long terme et des politiques publiques est stratégique, car la connaissance reste un bien public qui ne peut être régulé selon les critères financiers et marchands traditionnels.

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Canaliser des financements stables et ciblés vers l'innovation et la connaissance : http://finance.savoir.fr/canaliser-des-financements-stables-et-cibles-vers-l-innovation-et-la-connaissance/ http://finance.savoir.fr/canaliser-des-financements-stables-et-cibles-vers-l-innovation-et-la-connaissance/#respond Fri, 25 Jan 2013 15:22:27 +0000 http://savoir.fr/?p=160309 Dans l’économie de la connaissance, les entreprises se heurtent à un double défi – la prise en compte du risque et du temps long – inhérent à la nature même du savoir et de l’innovation. Or la logique de fonctionnement des marchés et des acteurs financiers n’y est pas adaptée. Comme l’a montré Keynes, l’une […]

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Dans l’économie de la connaissance, les entreprises se heurtent à un double défi – la prise en compte du risque et du temps long – inhérent à la nature même du savoir et de l’innovation. Or la logique de fonctionnement des marchés et des acteurs financiers n’y est pas adaptée. Comme l’a montré Keynes, l’une des fonctions des marchés financiers est de fournir aux investisseurs des actifs liquides, cessibles à tout moment, ce qui limite la prise de risque.



À titre d’illustration, sur la place de Paris, plus de la moitié du capital des entreprises cotées est détenue par des investisseurs institutionnels, qui ont des objectifs purement financiers et un comportement nomade. Ainsi, la durée de détention de leurs participations est de sept mois en moyenne, et seulement de quatre mois pour les investisseurs étrangers (qui détiennent plus de 46 % du capital des entreprises du CAC 40). Cette prio¬rité donnée à la recherche de liquidité est incompatible avec le financement de l’innovation et de la connaissance, qui s’inscrit dans la durée.

Dans les principaux pays industrialisés, deux solutions ont été apportées aux défis posés par le financement de la connaissance et de l’innovation. Le financement du capital-risque est réalisé par des fonds privés (private equity funds). Mais ces opérations soulèvent deux problèmes : l’horizon des fonds privés étant relativement court (la durée moyenne de l’investissement est de l’ordre de trois ans), ces derniers n’apportent pas la stabilité financière sur longue période propice à l’accumulation des connaissances ; par ailleurs, la part des investissements tournés vers l’innovation et la création d’entreprises innovantes reste très minoritaire. En effet, la majorité de ces opérations prennent la forme de reprises d’entreprises existantes – et non de start-up, notamment à l’occasion de successions.

Les marchés financiers spécialisés dans le capital-risque-dont le plus important est le Nasdaq américain – constituent le second canal du financement des entreprises innovantes. Comme nous l’avons également vu, ils ont été mis en place dans les principaux pays industrialisés pendant la seconde moitié des années 1990, au moment de la bulle Internet.

En Europe, les autorités ont encouragé la création de tels marchés. Sous l’effet de la concurrence, ces marchés spécialisés ont été peu exigeants et ont financé des entreprises de médiocre qualité. Le Nouveau Marché français n’a pas résisté à l’éclatement de la bulle et a périclité à partir de 2001. Le Neuer Markt allemand a également eu une existence éphémère après des débuts prometteurs. À l’échelle européenne, les marchés financiers spécialisés n’ont pas fait leurs preuves. La dernière expérience est Alternext, créé en 2005 et rattaché à Euronext, qui s’inspire de l’Alternative Investment Market (AIM) de Londres. Ces marchés sont pris dans une contradiction qui explique en partie l’échec de la plupart des expériences européennes : pour attirer les start-up, les autorités ont fait preuve de laxisme dans les règles d’introduction en Bourse ; en conséquence, le niveau de protection minimale des investisseurs n’était pas assuré. Or les start-up sont des entreprises fragiles. Les investisseurs ont manqué de repères, ce qui a nui au développement de ces marchés.

Au total, les principaux canaux de financement de l’innovation et de la R&D existant dans les pays développés connaissent des limites, et n’apportent pas de solutions pleinement satisfaisantes. D’un côté, les fonds d’investissement privés ne consacrent qu’une modeste proportion de leurs financements au capital-risque et ont un horizon trop court pour assurer un environnement financier stable aux entreprises innovantes. De l’autre côté, les marchés financiers spécialisés ont montré les limites de leur capacité à lever des capitaux pour des entreprises dont la rentabilité est très aléatoire.

La solution serait que se développent d’autres formes de financement et qu’apparaissent des investisseurs, privés et publics, ayant des stratégies plus adaptées à l’économie de la connaissance. Les dispositifs existants pourraient être améliorés en prenant appui sur les institutions financières spécialisées et les fonds d’investissement publics dits « souverains ».

Favoriser la multiplication d’acteurs spécialisés :

Les acteurs de marché peinent à évaluer et à prendre en charge les risques des entreprises innovantes. Les investisseurs se trouvent souvent confrontés à des risques pour lesquels ils n’ont pas d’expertise. S’agissant des PME, le recours à des institutions bancaires ou financières spécialisées apparaît nécessaire. Les expériences étrangères sont instructives à cet égard.

En Allemagne, les banques locales ou régionales jouent un rôle prédominant, notamment au niveau des Länder, dans les financements régionaux du capital-risque. En France, OSEO remplit cette fonction. Cet établissement public, issu du rapprochement de l’Agence nationale de valorisation de la recherche (ANVAR), de la Banque de développement des PME (BDPME) et de la Société française de garantie des financements (SOFARIS), a pour but de proposer un guichet unique pour les dispositifs de soutien aux PME et de mutualiser les ressources nécessaires avec les régions et l’État. Cet organisme exerce trois métiers : le soutien à l’innovation et le financement des investissements, en partenariat avec les banques, la garantie des financements bancaires et les interventions en fonds propres. À côté d’OSEO, CDC entreprises, principal investisseur institutionnel du marché français du capital- risque technologique et du capital développement à l’échelle régionale, a pour objectif d’aider à développer, aux côtés d’investisseurs privés, une offre stable et pérenne de capitaux, plus particulièrement de fonds propres, pour les PME innovantes. La taille déjà conséquente de CDC entreprises (1,6 milliard d’euros sous gestion et 221 participations en portefeuille à la fin 2006) devrait être développée.

Ces deux acteurs ne peuvent répondre à eux seuls aux besoins liés au financement de l’innovation. Il faudrait multiplier les institutions financières spécialisées de ce type, notamment au niveau local. L’on observe en effet une carence des financements locaux de l’innovation en France.

À la recherche d’un nouveau paradigme financier :

L’une des limites de la finance moderne est son incapacité à financer dans de bonnes conditions la connaissance et l’innovation. Les principales difficultés tiennent à ce que, dans l’économie du savoir, les performances des entreprises se mesurent sur le long terme, à des horizons bien supérieurs aux normes de la finance de marché. Par ailleurs, les sources de création de valeur pour les entreprises sont liées à l’importance grandissante des actifs immatériels. Or, les marchés sont souvent dans l’incapacité de mesurer le « goodwill », qui a un poids croissant dans le bilan des entreprises. Le savoir est en effet un bien public, source de richesse et d’opportunités qui ne s’expriment pas directement en prix ni en rendement financier. La finance traditionnelle est ainsi inadaptée à l’économie de la connaissance.

Plusieurs voies peuvent être empruntées pour définir une autre conception de la finance. La crise financière a ainsi rappelé qu’il existe d’autres formes d’organisation de la finance, respectant des principes éthiques. Par exemple, la finance socialement responsable ne fait pas de la rentabilité un objectif prioritaire. Mentionnons à ce sujet la finance islamique, en plein essor et peu affectée par la crise, qui met également en avant le respect de principes éthiques proches de la finance socialement responsable. Toute opération financière doit être explicitement adossée à un actif réel et la finalité de chaque investissement, clairement identifiée. La revente d’un crédit, qui aboutit à dissocier celui-ci de sa finalité, est interdite. Ainsi est préservée la traçabilité de l’argent. Clairement, si ces principes avaient été appliqués par les banques américaines et européennes, la crise aurait été évitée !

Une autre voie de réflexion prometteuse porte sur les investisseurs de long terme, qui développent des stratégies en phase avec les exigences de l’économie du savoir. Cette approche de l’investissement doit reposer sur une prise en compte explicite de l’ensemble des facteurs (positifs ou négatifs) contribuant au développement économique et à la création de valeur : le potentiel d’innovation d’une entreprise, sa capacité à mobiliser et à valoriser ses ressources humaines, les dimensions sociétales (par exemple, l’égalité des genres) et environnementales. Elle est fondée sur une conception partenariale, et non exclusivement actionnariale, de l’entreprise. Sont ainsi pris en compte le rôle et les intérêts des différentes « parties prenantes » de l’entreprise : les actionnaires, les managers, les salariés, les clients, la société, la puissance publique, etc. Ce qui implique une nouvelle forme de responsabilisation des managers, basée sur une logique de pouvoir finalisée sur des objectifs élargis ne se limitant pas à la maximisation du rendement des fonds propres, le fameux ROE.

Les investisseurs de long terme se distinguent par la nature de leur passif. L’épargne qui leur est confiée est collective. Ils n’ont pas d’engagements contractuels à l’égard d’épargnants individuels comme les investisseurs institutionnels. La gestion des fonds à long terme n’est pas soumise à la pression concurrentielle ni à la recherche du rendement maximal. Ils ont une mission qui leur a été confiée par un organisme de tutelle. Ces fonds peuvent dépendre d’un État, d’une collectivité territoriale ou d’un organisme financier public, comme le fonds français de réserve des retraites.

Les fonds souverains, investisseurs de long terme ?

Une nouvelle catégorie d’investisseurs apparaît particulièrement en cohérence avec une stratégie d’investissement de long terme : les fonds souverains (voir le chapitre 2), qui se sont fortement développés au cours de la période récente avec la montée des cours des matières premières. Ils gèrent l’argent des États tels que la Chine, la Russie, le Qatar et Dubaï. Les fonds souverains sont nés dans les années 1960 et 1970 dans les pétromonarchies afin de recycler les pétrodollars, puis se sont développés en Asie pour investir les excédents commerciaux. C’est le cas de la China Investment Corporation créée en 2006 et dotée de 250 milliards de dollars. Les stratégies de ces acteurs ne sont pas toujours transparentes, mais l’on peut penser qu’elles ne se limitent pas à la recherche de rentabilité à court terme.

Le fonds souverain de l’État norvégien, le Government Pension Fund Global, est emblématique. Ses ressources d’origine pétrolière (260 milliards d’euros en 2008) sont gérées par la Banque centrale et par des gestionnaires délégués dans une perspective de transfert intergénérationnel et de développement durable, avec des règles éthiques. Il s’agissait du premier fonds actionnaire du CAC 40 en 2008 avec un investissement total de 12 milliards de dollars dans Alcatel-Lucent, Arcelor-Mittal, Carrefour, la Société générale et Total.

Le fait d’être adossés aux États donne aux fonds souverains une nature singulière. Ceux-ci sont souvent orientés vers des stratégies de long terme : préparation de l’après-pétrole pour les monarchies du Golfe, reclassement des excédents commerciaux pour les pays asiatiques, recapitalisation des institutions financières du Nord en proie à la crise financière… Ils apparaissent comme des instruments légitimes et efficaces de prévoyance et de gestion des risques de long terme par les États.

Les fonds souverains français :

Il est peu connu que la France possède trois fonds souverains : la Caisse des dépôts et consignations (CDC), le Fonds de réserve des retraites (FRR) et le récent Fonds stratégique d’investissement (FSI). Le problème est qu’ils sont de taille modeste comparés à leurs homologues étrangers. Il est vrai que la France n’a ni pétrole, ni excédents commerciaux…

Créée sous la Restauration en pleine crise financière (déjà !), la CDC est un fonds souverain qui n’ose pas dire son nom. Premier investisseur de la place de Paris, elle est présente au capital de 250 sociétés, françaises pour la plupart. Elle gère un portefeuille de titres de plus de 30 milliards d’euros. Nous l’avons vu, elle fait du capital-développement par l’intermédiaire de sa filiale CDC Entreprises. De plus, la CDC est le premier ou deuxième actionnaire d’une entreprise sur trois cotées au CAC 40 (Veolia, Accor, Dexia, etc.). Et lors de la crise, en octobre 2008, à la demande du gouvernement, elle est allée au secours de Dexia en la recapitalisant de 2 milliards d’euros.

Par ailleurs, sur les fonds d’épargne qu’elle collecte, la CDC a libéré plus de 20 milliards d’euros pour soutenir les PME et les collectivités locales. En dépit de son évidente utilité pour l’État, elle a été sérieusement affaiblie. De manière très surprenante, en 2000 elle a décidé de filialiser une grande partie de ses activités bancaires et financières, soit l’ensemble de ses instruments d’intervention sur les marchés. Dans le cadre d’un partenariat avec les Caisses d’épargne privatisées, la société Ixis a été créée. Sans l’accord de la CDC, les Caisses d’épargne ont négocié la fusion d’Ixis avec la banque d’investissement des Banques populaires (Natexis) pour créer Natixis, qui a rencontré de grandes difficultés au moment de la crise des subprime. La CDC a ainsi été dépossédée, sans que l’État intervienne, d’une grande partie de ses outils d’intervention financiers !

Plus récemment, en permettant aux banques commerciales de distribuer le livret A, l’État a signé la fin de la centralisation de la collecte de cette épargne par la CDC, privant cette dernière des fonds utiles à son action.

Le deuxième « fonds souverain » français est le Fonds de réserve des retraites (FRR), créé en 1999. Son rôle est d’investir l’argent public destiné à compléter, à partir de 2020, le financement des retraites des salariés du privé, des commerçants et des artisans. Le FRR a un horizon de long terme, puisqu’il ne devrait pas faire de décaissement avant 2020. Il a décidé d’investir dans les actions non cotées, majoritairement en Europe, avec l’impact positif que l’on peut en attendre sur les PME, l’innovation et l’emploi.

Le FRR constitue un bon exemple de gestion « globale » ou « multidimensionnelle ». Ses dirigeants affirment vouloir mener une politique d’investissement cohérente avec le respect d’un développement économique, social et environnemental équilibré n. Cette vision large a plusieurs implications. Le FRR cherche à prendre en considération les effets positifs des investissements sur la croissance, mais aussi leurs aspects négatifs, par exemple sur l’emploi (délocalisations, etc.). Par ailleurs, il entend appliquer conjointement une analyse financière classique et une analyse d’ISR (investissement socialement responsable), prenant en compte les risques extra-financiers à long terme. Cette approche est fondée sur l’intuition qu’une entreprise soucieuse de ses risques extra-financiers se valorise mieux à long terme.

Le fonctionnement du FRR pose toutefois plusieurs problèmes :

Tout d’abord, celui-ci confie une partie de ses avoirs à des gestionnaires externes dans le cadre de mandats de gestion de courte durée, de l’ordre de trois ans. Ce qui semble incompatible avec une gestion de long terme. Plusieurs centaines de millions d’euros avaient ainsi été confiées à la banque américaine d’investissement Lehman Brothers, juste avant sa faillite en septembre 2008…

Mais le principal problème du FRR est sa pauvreté. Il se situe loin derrière les fonds souverains d’autres pays européens (Irlande, Norvège) pourtant beaucoup plus petits que la France. Sa force de frappe (33,8 milliards d’euros) est dix fois moindre que celle du fonds norvégien. L’État français n’a pas rempli ses engagements : il était prévu que le FRR soit doté de 150 milliards d’euros. Les ressources principales du FRR sont supposées provenir des excédents des régimes sociaux – peu probables dans un horizon proche – et des produits de cessions d’actifs, qui se sont limitées à 6 milliards d’euros. Cela traduit un manque de volontarisme politique. Le rôle croissant joué par les fonds souverains devrait pourtant amener les pouvoirs publics à définir une politique ambitieuse dans ce domaine…

Le président Sarkozy a annoncé le 22 octobre 2008 la création d’un Fonds stratégique d’investissement (FSI) détenu à 51 % par la CDC et à 49 % par l’État. Le FSI doit gérer un portefeuille de participations et de fonds à investir de 20 milliards d’euros. Deux objectifs lui ont été assignés : soutenir les entreprises et sécuriser le capital des plus stratégiques d’entre elles. La première opération du FSI a été une prise de participation à hauteur de 33,34 % dans le capital d’Aker Yards France, ex- Chantiers de l’Atlantique et dernier grand chantier civil français. L’objectif affiché par les pouvoirs publics est de préserver l’emploi à Saint-Nazaire et Lorient et de maintenir en France l’expertise de la construction navale. Il serait souhaitable que les dotations du FSI soient significativement augmentées, et qu’une partie importante de ses opérations soient orientées vers les nouvelles technologies, dont les entreprises ont été durement frappées par la crise.

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On constate un décrochage des pays européens dans leur effort de recherche (mesuré par la dépense intérieure en recherche et développement – DIRD) par rapport aux Etats-Unis, même si un rattrapage semble se dessiner (voir le graphique 1 p. 22). En France, le taux de DIRD, calculé en pourcentage du PIB, a baissé au cours des années 1990.



L’une des raisons du retard de l’Europe est la relative faiblesse de l’effort de R&D dans le secteur privé : l’intensité de la recherche, c’est-à-dire la dépense de R&D ramenée au chiffre d’affaires, s’élevait en 2007 à 2,7 %, contre 4,5 % aux États-Unis. Une évolution à mettre en rapport avec celle, orientée à la baisse, du taux d’investissement global (FBCF) dans les pays européens. L’on peut également relier le manque de dynamisme de l’investissement en Europe à la faiblesse relative du taux de croissance du PIB par rapport aux États-Unis.

Les comparaisons avec les pays émergents, la Chine en particulier, sont également très parlantes : en dépit de la crise, ces pays connaissent une croissance économique forte, avec des taux d’investissement beaucoup plus importants et une progression spectaculaire de l’effort de recherche.

Comment expliquer cette situation ? L’investissement en capital fixe et immatériel (R&D) « ne se décrète pas ». Il est en grande partie déterminé par l’environnement économique et par la croissance anticipée dans le futur. L’insuffisance de l’investissement en Europe provient en grande partie du fait que l’environnement économique y a été peu porteur au cours de la dernière décennie. Des politiques économiques trop restrictives ont certainement contribué à déprimer la croissance dans l’UE. Le décrochage de l’investissement en Europe coïncide avec le durcissement des politiques monétaires à partir de la fin des années 1980. Ces dernières ont entraîné une hausse des taux d’intérêt et un ralentissement de la croissance. De même, on peut penser que la politique de régulation budgétaire menée par l’UE dans le cadre du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) de 2005 a pesé sur les dépenses publiques en général, et sur celles consacrées à la R&D en particulier.

En second lieu, la logique du capitalisme « actionnarial » pose problème en matière d’investissement. Des économistes ont souligné le paradoxe suivant, particulièrement frappant en Europe : au moment où les entreprises accumulent des profits considérables et où le capitalisme n’a jamais été aussi prospère, celui-ci est sans projet pour l’avenir. Plutôt que d’investir dans le futur, les entreprises préfèrent redistribuer massivement leurs profits aux actionnaires. Rappelons que celles qui pratiquent les rachats d’actions les plus importants sont celles dont le taux d’investissement est le plus bas. Au total, le fonctionnement du capitalisme financier infirme le fameux « théorème de Schmidt », l’exchancelier allemand, selon lequel « les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain, et les emplois d’après-demain »…

Deux séries de mesures permettraient pourtant de stimuler l’investissement des entreprises en R&D.

–           « Sanctuariser » les dépenses d’investissement publiques de R&D et d’éducation dans les budgets des États européens. Il s’agit d’exclure du Pacte de stabilité les nouvelles dépenses publiques de R&D, labellisées par une autorité européenne. Cette proposition a déjà été faite par les économistes du Conseil d’analyse économique, rattaché au Premier ministre . D’une manière générale, la régulation budgétaire devrait obéir à de nouveaux principes. Il convient de prendre en compte la nature des dépenses publiques. Une distinction, déjà proposée par Keynes, doit être faite entre le « budget de fonctionnement » de l’État, essentiellement financé par la fiscalité, et le « budget de capital », dont la principale source de financement devrait être l’emprunt. Les investissements en capital humain et cognitif (R&D et éducation) devraient être traités à part.

–           Utiliser le levier fiscal pour stimuler l’investissement tourné vers la connaissance. Une fiscalité fortement différenciée sur les profits devrait être mise en place pour favoriser la rétention des profits, décourager leur distribution massive aux actionnaires, et fortement inciter à leur utilisation pour financer des investissements en R&D et en formation . Afin d’encourager le financement de la recherche par les entreprises, dont on a vu les niveaux anormalement bas en France, une fiscalité réduite sur les profits réinvestis dans la R&D serait bienvenue.

Les deux mesures précédentes ne suffiraient sans doute pas au rattrapage du retard de l’UE sur les États-Unis dans le domaine de l’investissement en R&D. Tant que les politiques économiques menées dans l’Union européenne ne créeront pas les conditions d’une croissance économique assez élevée, l’écart dans l’investissement productif, notamment en R&D, par rapport aux autres pays développés risque de persister.

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Migrations internationales : à qui profite la fuite des cerveaux ? http://finance.savoir.fr/migrations-internationales-a-qui-profite-la-fuite-des-cerveaux/ http://finance.savoir.fr/migrations-internationales-a-qui-profite-la-fuite-des-cerveaux/#respond Fri, 25 Jan 2013 15:05:08 +0000 http://savoir.fr/?p=160303 Les changements organisationnels dans l’industrie, l’automatisation intense des processus de production, le poids croissant des services dans l’économie ont engendré d’importants besoins de main-d’œuvre qualifiée et hautement qualifiée dans les pays développés. Cette tendance, conjuguée au vieillissement de leur population, a incité la plupart de ces pays à ouvrir leurs frontières et à se livrer […]

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Les changements organisationnels dans l’industrie, l’automatisation intense des processus de production, le poids croissant des services dans l’économie ont engendré d’importants besoins de main-d’œuvre qualifiée et hautement qualifiée dans les pays développés. Cette tendance, conjuguée au vieillissement de leur population, a incité la plupart de ces pays à ouvrir leurs frontières et à se livrer entre eux à une concurrence accrue pour attirer et garder les migrants les plus qualifiés. Pratiquées depuis longtemps par les États-Unis, le Canada, l’Australie ou la Nouvelle-Zélande, les politiques d’immigration sélective ont gagné l’Europe depuis les années 1990. Si l’« immigration choisie » est un slogan récent dans la bouche de certains hommes politiques, ce n’est pas une idée neuve.



Des politiques d’immigration de plus en plus sélectives :

Fin 2000, plus de 17 millions de diplômés de l’enseignement supérieur vivaient dans un pays de l’OCDE dont ils n’étaient pas originaires. Parmi eux, 60 % provenaient d’un pays non membre de l’OCDE (30 % environ d’Asie). Des chiffres à mettre en relation avec les politiques d’immigration sélective – fondées sur des critères de diplôme, d’expérience professionnelle, de maîtrise de la langue – mises en place par certains pays (l’Australie, le Canada, dans une moindre mesure le Royaume-Uni, l’Irlande, la Nouvelle-Zélande et la Norvège, et plus récemment la France) pour répondre à leurs besoins de main-d’œuvre qualifiée.

Ce sont eux qui enregistrent la plus forte proportion d’immigrants hautement qualifiés. Dans ces pays, entre 30 % et 40 % des immigrés possèdent un diplôme supérieur. Aux États-Unis, 25 % des titulaires d’un doctorat sont nés à l’étranger. Ce pourcentage monte à 45 % en Australie, à 54 % au Canada. Depuis une décennie, ces politiques restrictives ont été renforcées. C’est le cas en Australie, au Canada, en Nouvelle- Zélande, où elles reposent sur des systèmes de points attribués aux candidats à l’immigration en fonction de critères liés à leurs caractéristiques démographiques ainsi qu’à leur capital humain et social. Ou encore aux États-Unis qui, entre 1998 et 2003, ont fortement augmenté le quota annuel de visas délivrés aux travailleurs temporaires qualifiés (de 65 000 à 195 000).

Les pays de l’OCDE en compétition pour attirer les travailleurs qualifiés :

L’assouplissement des conditions d’entrée ne suffit pas toujours à atteindre l’objectif d’attractivité des migrants très qualifiés. Nombre de pays, en Europe notamment (Belgique, Pays-Bas, Irlande, Suède, Norvège, France), y ajoutent des mesures facilitant l’accès des conjoints au marché du travail, voire des incitations fiscales. Tous veillent à promouvoir leurs programmes d’immigration destinés aux personnels qualifiés par le biais d’Internet ou d’agences spécialisées qui vantent leur image à l’étranger.

Cette ouverture des politiques migratoires aux qualifiés, et le rôle important joué par les migrations de ce type de travailleurs dans la mondialisation, n’impliquent pas pour autant l’existence d’un marché du travail qualifié entièrement mondialisé . D’abord, parce que les migrations de travailleurs qualifiés sont faibles au regard des flux de diplômés dans les pays d’origine des migrants. Ensuite, du fait de la persistance de freins à la mobilité (reconnaissance des diplômes, maîtrise de la langue du pays d’accueil dans les pays non anglophones). Enfin, parce qu’il existe toujours des contrôles stricts dans les procédures de recrutement.

Les effets peiyers des politiques sélectives :

Le capital humain joue un rôle important dans la croissance économique. Former, attirer et retenir les ressources humaines nécessaires est un enjeu essentiel dans l’économie de la connaissance. C’est même vital pour les pays développés qui, du fait du vieillissement de leur population, risquent de connaître à l’avenir de fortes tensions sur le marché du travail. Le recours à l’immigration apparaît donc comme une solution attractive. D’autant plus que les migrants qualifiés rapportent plus qu’ils ne coûtent aux finances publiques (ils paient plus d’impôts et de taxes qu’ils ne perçoivent de prestations).

Pourtant, les politiques d’immigration sélective se heurtent à leurs propres limites. Limites techniques d’abord. Il est en fait difficile de définir des critères mesurables permettant d’identifier les « bons candidats » à l’immigration, surtout si l’on vise non plus de simples ajustements du marché du travail à court terme, mais un soutien à long terme du développement économique. Ensuite, l’expérience montre que les politiques migratoires ont un impact sur les entrées de travailleurs immigrés, mais peu d’effets sur leurs sorties. Seule une part limitée de l’immigration peut être « choisie ». Au bout du compte, le recours à l’immigration « choisie » risque de retarder la mise en place de politiques de formation nécessaires aux équilibres de long terme du marché du travail.

Pourquoi le Nord gagne et le Sud s’appauvrit :

Si les pays du Nord ont un intérêt certain à l’accueil de migrants qualifiés, c’est souvent au détriment des pays de départ. Nous l’avons vu, c’est par les migrations de leurs travailleurs que les pays du Sud les moins avancés participent à une mondialisation qui, par ailleurs, les marginalise. Les transferts de fonds par les migrants vers leur pays d’origine sont ainsi devenus la deuxième, voire la première source d’entrée de capitaux dans ces pays, loin devant les investissements directs, l’aide publique au développement ou les flux de capitaux à court terme. Pour certains pays, ces flux représentent environ 10 % (Maroc), 12 % (Mali), 15 % (Salvador), voire 25 % à 30 % du PIB (Liban). Un puissant levier de développement… qui recèle pourtant bon nombre d’effets pervers.

En pratiquant des politiques d’immigration sélective, les pays du Nord influent sur les migrations de travailleurs qualifiés et contribuent à la fuite des cerveaux des pays du Sud. Les effets de cette dernière sont toujours positifs pour les pays d’accueil, qui gagnent des travailleurs qualifiés qu’ils n’ont pas eu à former. Pour les pays du Sud, ils sont ambivalents. Ils peuvent être dans certains cas positifs. Si, par exemple, le taux d’emploi des diplômés est très faible dans le pays de départ, celui-ci pourra tirer parti de sa diaspora qualifiée. En revanche, au-delà de certains seuils, les effets du brain drain sont très négatifs pour les pays d’origine.

Mais il est important de souligner que la fuite des cerveaux n’affecte pas tous les pays de la même manière : les taux d’expatriation de qualifiés sont très élevés (en moyenne, de 32 %) pour les petits pays les plus pauvres et les pays à population moyenne les plus pauvres. En revanche, ils sont plus faibles pour les pays à population élevée (13 % en moyenne) mais restent très élevés pour les plus pauvres d’entre eux (37 % pour le Kenya, 26 % pour le Vietnam, etc.). Il existe en réalité des seuils (de 15 % à 20 %) au-delà desquels l’expatriation des qualifiés est très dommageable aux pays d’origine. Mais, en dessous de ces seuils, les pays peuvent même en bénéficier. Or les politiques sélectives ne tiennent pas compte de cette différence fondamentale entre les pays de départ…

Les migrants qualifiés s’installent plus souvent de manière définitive dans le pays d’accueil, notamment parce qu’ils peuvent satisfaire plus facilement aux conditions imposées pour le regroupement familial. Ils transfèrent moins de fonds dans leur pays d’origine, dont les montants diminuent au fur et à mesure que l’installation dans le pays d’accueil dure. Or cette baisse pèse sur les taux de croissance, d’autant plus que les autres types de transferts (investissements directs, capitaux à court terme) fuient les pays à faible stock de capital humain. D’où un cercle vicieux : moins de capital humain, c’est moins d’IDE, moins de croissance… et plus de candidats à l’émigration. Selon les travaux d’économistess, une augmentation de 10 % du niveau de qualification des migrants fait baisser le volume des transferts vers les pays d’origine par rapport au PIB (de -1 % en moyenne).

En outre, pour les pays les moins avancés, la fuite des cerveaux est une perte dans la reproduction du capital humain. Elle est responsable de la diminution du taux de scolarisation et a un impact négatif sur le produit par tête et la productivité.

L’on peut schématiser ainsi ces effets pervers. Le chômage des diplômés dans les pays du Sud provoque l’expatriation des qualifiés, ce qui engendre une réduction du stock de capital humain. Ce qui contribue à détériorer les conditions d’investissement domestique et d’attraction des investissements étrangers qui ont besoin d’un minimum de capital humain pour diffuser des connaissances dans les pays d’accueil. D’où un appauvrissement et un renforcement des inégalités qui favorisent l’émigration de personnes désespérées, qui partent parfois au péril de leur vie (les « Harraga » en Algérie, les migrants d’Afrique subsaharienne, etc.). En réaction, les pays d’accueil renforcent leurs politiques répressives et sélectives, comme l’illustre le contenu du récent Pacte européen sur l’immigration qui se réduit essentiellement à des mesures répressives.

Au total, la dimension la plus active de la participation des pays moins avancés à la mondialisation concerne les migrations internationales et, en particulier, les migrations de qualifiés, en dépit des restrictions considérables qui pèsent sur la mobilité du travail. Le stock de capital humain (les migrations de diplômés) du Sud est plus que jamais absorbé par les besoins du Nord qui, partout, met en place des politiques sélectives favorisant les migrations des travailleurs qualifiés, tout en décourageant les autres formes de migrations internationales. Ce qui contribue au décrochage des pays du Sud.

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Les nouvelles migrations dans l'économie du savoir : http://finance.savoir.fr/les-nouvelles-migrations-dans-l-economie-du-savoir/ http://finance.savoir.fr/les-nouvelles-migrations-dans-l-economie-du-savoir/#respond Fri, 25 Jan 2013 14:59:12 +0000 http://savoir.fr/?p=160301 En dépit des mesures restrictives importantes adoptées par la plupart des pays d’accueil dans un contexte géopolitique d’insécurité, les flux migratoires demeurent très dynamiques. Les migrations traditionnelles de main-d’œuvre peu qualifiée qui correspondaient aux besoins des pays du Nord tout au long de la période fordiste n’ont pas totalement disparu. Mais les logiques actuelles des […]

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En dépit des mesures restrictives importantes adoptées par la plupart des pays d’accueil dans un contexte géopolitique d’insécurité, les flux migratoires demeurent très dynamiques. Les migrations traditionnelles de main-d’œuvre peu qualifiée qui correspondaient aux besoins des pays du Nord tout au long de la période fordiste n’ont pas totalement disparu. Mais les logiques actuelles des migrations se sont profondément modifiées avec la montée de l’économie du savoir avide de main-d’œuvre qualifiée et hautement qualifiée.



Aujourd’hui, les pays les plus pauvres ont les taux d’émigration de travailleurs qualifiés les plus élevés, alors qu’ils comptent, en termes relatifs, le moins d’émigrés. C’est la raison pour laquelle, et contrairement à un consensus faussement établi, les pays du Nord ne reçoivent pas toute la misère du monde ni les moins qualifiés comme dans les années 1960-1970, mais bien les plus qualifiés !

Les migrations : une composante dynamique de la mondialisation

Les plus gros pourvoyeurs de main-d’œuvre, ceux qui ont les taux d’expatriation vers les pays de l’OCDE les plus élevés, sont des pays à revenus intermédiaires, tels que les pays du Maghreb ou les grands pays émergents (Chine, Inde, etc.). Quant aux pays les moins avancés, ceux d’Afrique subsaharienne par exemple, leurs taux d’expatriation globale – le rapport entre ceux qui partent et ceux qui restent – sont relativement faibles.

Le taux d’expatriation varie avec le niveau de développement. Les taux d’expatriation sont les plus bas dans les pays pauvres et atteignent un maximum pour les pays à revenu intermédiaire. Ils diminuent lorsque les pays se développent et deviennent à leur tour pays d’immigration, comme ce fut le cas récemment de l’Espagne et du Portugal.

Pour émigrer, il faut détenir à la fois des informations et de l’argent. Ceux qui partent souhaitent améliorer leur niveau de vie : la réussite de ce pari dépend de leur capacité à trouver un emploi dans le pays d’accueil. De plus, la mobilité a un coût qui englobe à la fois le coût de transport, le coût des informations indispensables au départ, le coût d’insertion dans la communauté d’accueil, les coûts psychologiques, le coût lié aux politiques plus ou moins restrictives mises en place par les pays du Nord. Ces coûts sont prohibitifs pour les migrants des pays les moins avancés.

Fuite des cerveaux accélérée :

Entre 1990 et 2000, la population immigrée qualifiée dans les pays de l’OCDE a augmenté de 50 %. Le poids croissant des qualifiés dans les migrations internationales est lié à des changements qui affectent à la fois les pays d’origine et les pays d’accueil. Dans les pays de départ, il s’agit d’un effet mécanique d’élévation du niveau d’éducation. Ces migrants sont aussi de plus en plus souvent des jeunes et – pour moitié – des femmes.

L’Asie et, dans une moindre mesure, l’Europe et l’Afrique sont les principaux continents d’origine des migrants qualifiés. Les grands pays (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Pakistan, Russie) n’ont qu’une proportion très limitée (généralement inférieure à 3 %) de leurs qualifiés à l’étranger, tandis que les petits, notamment dans les Caraïbes et en Afrique, font face à des taux d’émigration de leurs élites parfois très importants, supérieurs à 30 % et parfois à 70 %. Il s’agit d’une véritable fuite des cerveaux. Certaines professions connaissent une hémorragie. Ainsi, treize pays africains où la pénurie en professionnels de la santé est dramatique ont des taux d’expatriation des médecins et autres professionnels du secteur de près de 50%. Il se révèle donc très important de tenir compte de la diversité des pays de départ en matière d’émigration de qualifiés.

La fin du modèle fordiste d’immigration :

Durant les Trente Glorieuses, l’immigration de travail était directement organisée par les gouvernements des pays d’accueil. Elle répondait aux besoins de main-d’œuvre des secteurs moteurs du fordisme. Comme le montre pour la France le film de Yamina Benguigui Mémoires d’immigrés les sergents recruteurs du bâtiment, de l’automobile, des mines, du textile, etc. se rendaient dans les anciennes colonies, de village en village, pour chercher des hommes, des jeunes, sélectionnés essentiellement pour leur force physique. Ces travailleurs ne cherchaient pas à s’installer définitivement dans les pays d’accueil et transféraient à leur famille la majeure partie de leur salaire. La crise des années 1970 et l’envolée du chômage ont servi de prétextes aux pays européens pour mettre en place des politiques de fermeture des frontières à l’immigration de travail. Ce fut le cas en France en 1974.

Avec l’essoufflement du modèle fordiste et les changements structurels des économies développées, les facteurs d’appel des travailleurs émigrés dans les pays d’accueil se sont profondément modifiés. Certes, certains secteurs comme l’agriculture, le textile, la restauration, etc. restent demandeurs d’une main-d’œuvre non qualifiée. D’où la subsistance de filières clandestines qui organisent ces migrations. Mais les migrants les plus autonomes tendent à s’organiser eux-mêmes. Il s’agit le plus souvent de personnes qualifiées, aptes à passer les frontières.

La perception de cette réalité est en partie brouillée par le déclassement. Des enquêtes sociologiques ont montré par exemple que 60 % des réfugiés qui affluaient au centre de Sangatte, dans le Pas-de-Calais, possédaient un diplôme de l’enseignement supérieur. Mais le fait que ces migrants ne parlent pas français et leur statut de clandestins les assimilent de facto à des non-qualifiés. De même, de nombreux diplômés d’Europe centrale et orientale émigrent vers le Portugal, l’Espagne ou la

Grèce, où ils occupent des emplois peu qualifiés dans la restauration, les services, le bâtiment, etc. Ils espèrent ainsi obtenir un passeport de mobilité pour se déplacer ensuite dans l’Union européenne et tenter de trouver un emploi en adéquation avec leur diplôme dans les grands pays d’accueil que sont l’Allemagne, la France ou le Royaume-Uni .

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Les risques liés à la privatisation des savoirs http://finance.savoir.fr/les-risques-lies-a-la-privatisation-des-savoirs/ http://finance.savoir.fr/les-risques-lies-a-la-privatisation-des-savoirs/#respond Sun, 20 Jan 2013 16:05:45 +0000 http://savoir.fr/?p=159852 Les droits de propriété intellectuelle (DPI) constituent ainsi des institutions clés du capitalisme basé sur la connaissance et la finance. Mais leurs effets peuvent être contradictoires. Ainsi, ils peuvent aussi bien stimuler la production de connaissances en garantissant aux firmes innovatrices le monopole des gains sur les fruits de leurs dépenses de recherche, qu’en freiner […]

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Les droits de propriété intellectuelle (DPI) constituent ainsi des institutions clés du capitalisme basé sur la connaissance et la finance. Mais leurs effets peuvent être contradictoires. Ainsi, ils peuvent aussi bien stimuler la production de connaissances en garantissant aux firmes innovatrices le monopole des gains sur les fruits de leurs dépenses de recherche, qu’en freiner la diffusion.



La privatisation de la connaissance permet, en principe, de favoriser l’investissement dans le savoir, la R&D, l’innovation et donc de rendre compétitive l’économie d’un pays dans le domaine. Ce serait le fondement de la compétitivité américaine. Mais il y a débat sur l’impact des DPI. Certains économistes estiment ainsi que si les investisseurs ne viennent pas dans les pays en développement, c’est parce qu’il n’y a pas d’institutions protégeant les droits de propriété intellectuelle des firmes. D’autres soutiennent la thèse inverse. D’un point de vue théorique, l’effet de monopole créé par le brevet peut inciter les entreprises à venir dans les pays mettant en place des droits de propriété intellectuelle. Mais, en entravant la diffusion des connaissances et en bridant les capacités d’imitation et de rattrapage technologique des firmes locales, ces institutions peuvent avoir des effets négatifs sur le pays d’accueil. Des travaux empiriques ont en effet montré que l’existence de telles institutions ne permettait pas d’augmenter l’attractivité des pays en développement pour les investissements directs étrangers.

Une partie de la science ouverte risque d’être phagocytée par cette privatisation. Nous l’avons précisé, il est désormais possible de breveter le vivant. En dehors même des questions éthiques, le brevetage aboutit à la marchandisation et à la privatisation d’un patrimoine qui est « commun » : la vie ! Dans le domaine biomédical, dont celui de la biopharmacie, l’on assiste ainsi à une multiplication des brevets sur des connaissances de base qui sont autant d’outils de recherche. Aux États-Unis, dès 1980, a été autorisé le dépôt de brevet sur des recherches financées sur fonds publics. En 1987, il devenait possible de breveter toute matière biologique ayant nécessité l’intervention de l’homme pour être mise au jour. En 1991, le National Institute of Health a déposé plusieurs brevets sur des séquences partielles d’ADN. Suivirent des dépôts de brevets sur des gènes impliqués dans le déclenchement de maladies. De considérables avancées dans la possibilité de breveter le vivant.

C’est pourquoi certains économistes qualifient les politiques d’appropriation du savoir de «nouvelles enclosures», par analogie avec le mouvement des enclosures (clôtures) qui s’est produit en Angleterre du XII au XVI siècle. La politique des enclosures avait alors transformé l’agriculture traditionnelle anglaise, reposant sur la propriété partagée et l’usage collectif des terres, en un système de propriété privée au profit des riches propriétaires. Aujourd’hui, les nouvelles « clôtures » érigées s’analysent comme une privatisation du savoir, facteur clé de l’accumulation capitaliste, comme le furent les enclosures autour de la terre, principale ressource productive de l’époque. De même que les enclosures avaient fortement appauvri la population rurale anglaise, les « nouvelles enclosures » dressées par le système de propriété intellectuelle peuvent avoir aujourd’hui un effet dépressif sur l’innovation et l’accumulation du savoir, et porter atteinte au développement économique et social des pays du Nord et du Sud.

La tendance à la privatisation des connaissances présente un certain nombre de risques. Tout d’abord, le recours croissant aux droits de propriété intellectuelle se traduit par une augmentation des coûts. Par ailleurs, la privatisation des savoirs peut se révéler contre-productive, au sens où elle est susceptible de provoquer à terme un ralentissement, voire un blocage, de l’innovation. Enfin, l’appropriation des connaissances par les grands oligopoles pose des problèmes d’équité, notamment à l’égard des générations futures et des pays du Sud.

Une augmentation des coûts:

La prolifération des dépôts de brevets tend à aller à rencontre de l’intérêt général, car elle entraîne d’importants surcoûts (coûts des dépôts, de l’entretien des brevets, de règlement des litiges et de transaction ). De plus, la brevetabilité du vivant et, dans une moindre mesure, celle du logiciel se sont traduites par des blocages liés à l’étendue des brevets.

Un premier blocage apparaît en cas de fragmentation excessive des droits. Ceux-ci sont accordés à de petites parcelles de savoir, si bien que l’exploitation de l’invention nécessite de réunir de nombreuses licences, qu’il faut négocier avec différents agents, d’où l’augmentation des coûts de transaction. Une situation fréquente dans les sciences de la vie, où des brevets sont attribués sur des fragments de gènes, mais qui touche également le domaine des semi-conducteurs. Dans le domaine du vivant, la fragmentation et l’appropriation exclusive des biens communs de la connaissance par les firmes privées risquent d’entraver la recherche et la production de nouvelles connaissances .

Un second blocage de l’innovation vient de ce que les brevets peuvent avoir une étendue trop large. Dans le domaine du vivant, il existe des procédures qui donnent au détenteur d’un brevet des droits sur des découvertes ultérieures. Là encore, le caractère flou de la répartition des droits des différents agents impliqués tend alors à augmenter les coûts de l’accès aux innovations.

Risque de ralentissement de l’innovation :

Le recours croissant aux droits de propriété intellectuelle, notamment en ce qui concerne les connaissances de base dans les sciences de la vie, mais également dans d’autres domaines où les progrès sont particulièrement cumulatifs, peut aboutir à des situations injustifiées de privatisation. Ce qui se traduit par une moindre exploitation des connaissances, un ralentissement du rythme de création de nouveaux savoirs, et la formation de positions dominantes ayant des effets anticoncurrentiels. Ce risque a deux origines : la première découle directement de l’augmentation des coûts du recours à la propriété intellectuelle, susceptible de freiner l’innovation ; la seconde est caractéristique du basculement de la science ouverte vers le marché, qui peut faire obstacle à la libre diffusion des connaissances  .

Les cas d’étendue inappropriée des brevets sont typiques des effets pervers de la propriété intellectuelle. La fragmentation des droits peut ainsi empêcher l’exploitation du savoir si le coût associé à l’achat des licences nécessaires est trop élevé. Il semble y avoir là une contradiction entre les idées de brevets étendus et de fragmentation des connaissances… De même, des brevets initiaux d’une portée trop large peuvent conduire à empêcher l’exploitation des connaissances brevetées : en récompensant de manière trop généreuse le premier inventeur, ils font obstacle à de nouvelles avancées par d’autres chercheurs. C’est ce qui s’est produit à l’occasion d’un conflit opposant l’institut Marie Curie et Myriad Genetics à propos d’un gène mis en cause dans le déclenchement de certains cancers. Le brevet a rendu l’institut Curie coupable de contrefaçon. D’où un effet d’enclosure du savoir nuisible à l’innovation.

Dans la mesure où l’accès à la connaissance est limité par le brevetage, et devient coûteux parce qu’il est soumis à des politiques de valorisation marchande, les firmes susceptibles d’utiliser les innovations sont découragées de le faire. Ainsi, dans le domaine des logiciels, certains auteurs n’hésitent pas à parler d’un véritable « hold-up » pratiqué par les grandes firmes qui disposent de stocks de brevets inaccessibles aux petites entreprises innovatrices .

Les brevets, une arme de dissuasion de l’innovation des concurrents:

En principe destinés à protéger l’innovation, les brevets peuvent être détournés de leur mission d’origine. Dans la concurrence à laquelle se livrent les oligopoles, ils peuvent constituer une arme stratégique. Dans le secteur des semi-conducteurs par exemple, la course à l’innovation est le mode de concurrence dominant. Il y a donc une incitation très grande à multiplier les brevets pour éviter d’être exclu du marché.

Le brevet sert aussi de signal à destination des partenaires financiers. Pour une entreprise cotée en Bourse, c’est par exemple un moyen important pour attirer les investisseurs, en donnant l’image – plus ou moins fondée – d’une entreprise de haute technologie. Pour pénétrer les marchés à l’international, c’est aussi un atout. Le dépôt de brevets fait partie intégrante de la communication du groupe. Le brevet peut également être utilisé pour dissuader les concurrents d’entrer sur le marché, et les bloquer dans le processus d’innovation.

C’est aussi une arme de négociation et une source de revenus : une entreprise dépose un brevet puis menace de procès une autre entreprise qui, plus tard, pourrait déposer un brevet dans le même domaine ; pour éviter les frais de justice, la seconde acceptera de verser une compensation.

Enfin, les brevets peuvent être utilisés comme des leurres pour attirer les concurrents sur de fausses pistes. Ce type de comportement est favorisé par le laxisme des organismes qui reçoivent les dépôts de brevets. Ces derniers ont en effet tendance à accepter d’autant plus facilement les dépôts qu’ils doivent justifier les rejets et sont rémunérés au rendement (ils prélèvent une taxe sur chaque dépôt).

L’on assiste alors au développement de stratégies de prolifération des brevets qui ne sont pas destinés à être exploités par l’entreprise sur le marché domestique ou les marchés tiers. Certains agents privés individuels ou collectifs appelés « chasseurs de brevets » ou « patent trolls » deviennent des chercheurs de redevance, avides de profit facile n. Ils constituent de véritables portefeuilles de brevets en utilisant des inventions créées par d’autres personnalités morales. « Huissiers d’un nouveau genre », ils viennent convaincre, par des moyens dissuasifs, les utilisateurs des technologies couvertes par ces brevets de leur verser des redevances. Les coûts juridiques qui découleraient du refus d’obtempérer constituent l’arme dissuasive crédible. En outre, dans la mesure où ces « patent trolls » n’ont pas de capacités de fabrication ou de vente, et n’exploitent eux-mêmes aucun brevet, ils ne peuvent être attaqués par les détenteurs éventuels d’autres brevets. Une sorte de loi de Gresham   serait à l’œuvre, les mauvais brevets risquant de chasser les « bons ».

Au total, le gonflement des portefeuilles de brevets conduit à l’octroi de monopoles injustifiés, ce qui peut engendrer de véritables blocages dans la diffusion et la production de la connaissance  .

Des risques en termes d’équité pour les pays du Sud :

L’influence croissante du marché sur la fixation des agendas des chercheurs se traduit par un risque d’arbitrage entre sujets de recherche au détriment de ceux dont les applications commerciales ne sont pas immédiates. Deux problèmes d’équité s’ensuivent . Tout d’abord, une influence excessive du marché conduit à ne plus entreprendre des recherches qui ne répondent pas rapidement à une demande solvable. Les nouveaux accords ADPIC, signés à Doha en 2001 dans le cadre de l’OMC, légitiment le recours à des clauses de sauvegarde (licence obligatoire à faible coût) dans les cas d’urgence pour la sécurité et la santé publiques; mais ils ne résolvent pas les problèmes de financement. Ainsi, la recherche sur des maladies ne touchant que le tiers monde, comme la malaria, ou sur des maladies orphelines (qui touchent très peu d’individus) ne bénéficie que de budgets très faibles. Ensuite, en privilégiant les recherches qui donnent des résultats à court terme, l’on met en danger le développement et la croissance à long terme  .

Le développement d’un système international de brevets pose ainsi un important problème d’équité vis-à-vis des pays du Sud. La privatisation des savoirs rend beaucoup plus difficiles et coûteux les transferts de technologie venant des pays les plus avancés. En élargissant le champ d’application des législations sur les brevets aux produits et aux procédés (y compris le vivant), en allongeant la durée de vie d’un brevet de douze à vingt ans, en conditionnant le recours aux accords de licence dans le cadre des accords ADPIC de l’OMC, les brevets ont été transformés en monopoles d’importation, au service des firmes multinationales, et au détriment des pays du Sud.

La propriété intellectuelle, obstacle au rattrapage des pays du Sud :

L’allongement de la durée de vie du brevet réduit les capacités de décorticage (« reverse engeneering  »), forme classique de diffusion des connaissances qui avait permis l’insertion et le rattrapage de l’Asie du Sud-Est dans l’économie mondiale (Corée du sud). En effet, le processus de rattrapage technologique reposait sur la capacité à importer la technologie incorporée dans les machines et les équipements, sur la bonne volonté des détenteurs de brevets acceptant de licencier leur technologie à un coût raisonnable et/ou sur les flux d’investissement direct venant abonder le stock local de capital et de connaissance : c’est le reverse engineering. Cette pratique est devenue impossible avec les droits de propriété intellectuelle. Face à cet obstacle, les firmes originaires des nouveaux pays émergents (Chine, Inde, Brésil, etc.) utilisent leurs réserves financières, notamment par l’intermédiaire de leurs fonds souverains, pour acquérir les compétences technologiques qui leur manquent en opérant directement, par fusions-acquisitions sur les marchés des pays développés.

Les stratégies des oligopoles pharmaceutiques illustrent de manière criante les effets pervers de la propriété intellectuelle. Ces groupes cherchent à maintenir des prix de médicaments très élevés, même dans des zones déshéritées comme l’Afrique, dont la demande ne représente que 1,5 % du marché mondial. En restreignant le recours aux médicaments génériques, la mise en place d’une protection par le brevet aurait ainsi multiplié, dans les années 1990, par vingt le coût annuel du traitement d’une personne malade du sida (inabordable pour les populations les plus démunies). Les firmes pourraient sans pertes adapter leur prix de vente au pouvoir d’achat des populations des pays pauvres. Mais elles craignent de voir se développer un marché parallèle de réimportation des médicaments à bas prix par les pays riches.

Au total, comme les institutions de la finance analysées précédemment, les droits de propriété intellectuelle apparaissent au service des oligopoles mondiaux de la connaissance, leur permettant de s’approprier le savoir et les innovations, ce qui entraîne des effets ambivalents sur l’accumulation des connaissances. En garantissant les revenus des oligopoles, la propriété intellectuelle stimule l’activité de R&D de ces derniers. Mais, en multipliant les brevets, en allongeant leur durée et en étendant les domaines d’application, les coûts et obstacles pour l’accès aux résultats de la recherche s’aggravent. La propriété intellectuelle constitue ainsi également un frein à la diffusion des connaissances.

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Les caractéristiques de la connaissance en font un bien public, difficilement contrôlable par les acteurs privés. Ce qui amène à poser les questions suivantes : comment des acteurs privés rationnels peuvent-ils investir sur un tel bien sans être sûrs de s’en approprier les bénéfices ? Qui d’autre qu’un philanthrope serait prêt à financer des activités de R&D sans être certain de pouvoir bénéficier de leurs retombées ? La réponse habituelle est que, pour inciter les entreprises privées à investir dans la production de connaissance, il faut des dispositifs garantissant un retour exclusif sur cet investissement.



Sans les droits de propriété intellectuelle, les grands oligopoles des industries à fortes dépenses de R&D (pharmacie, biotechnologies, semi-conducteurs, ordinateurs, aérospatiale, etc.) n’investiraient pas dans ces secteurs, les coûts étant privés et les bénéfices ne pouvant être appropriés par l’investisseur car partagés par la collectivité.

C’est précisément le rôle de la protection de la propriété intellectuelle par le biais des brevets et des droits d’auteur. Celle-ci est supposée concilier investissement privé et création de nouvelles connaissances.

Le brevet permet à l’inventeur d’exercer un pouvoir de monopole. Il lui procure une exclusivité sur son invention – par exemple, un procédé pour brider les moteurs, pour filtrer l’eau, etc. -, en échange de la publication des détails techniques qui permettront à d’autres de fonder leurs recherches. Le titulaire du brevet peut soit le laisser en jachère, soit choisir de céder des licences à un agent (une entreprise en général) qui prendra en charge l’exploitation économique de son invention. Les inventions concernant des secteurs de l’industrie traditionnelle comme le textile, l’habillement… peuvent être copiées rapidement. Les titulaires sont donc incités à céder droit, en contrepartie d’une rente, par le biais d’un accord de licence sur la création.

La recherche est aussi une activité incertaine : on peut investir et ne rien trouver. Cette incertitude en termes de débouchés commerciaux et d’exploitation de l’innovation peut provoquer un sous-investissement dans la R&D et la connaissance . Le risque de sous-investissement est réglé en partie par le brevet, mais aussi par l’intervention des pouvoirs publics. Contrairement à une entreprise privée, l’État ne se soucie pas de s’accaparer les fruits de la recherche, que le financement public permet alors de diffuser largement. C’est la « science ouverte », c’est-à-dire la science pour la science. Ce qui n’empêche pas que les organismes de recherche publics (CNRS, universités) se soient également dotés de moyens pour breveter et valoriser leurs découvertes.

Si le brevet est l’un des dispositifs majeurs de protection de la propriété intellectuelle, son efficacité dépend de la nature de l’innovation et des caractéristiques des créateurs, comme leur capacité à s’organiser en matière de droit. Le brevet et l’accord de licence sont plus efficaces pour les innovations de produits. Car, une fois ces produits commercialisés, il est très difficile d’en empêcher l’imitation. Les pays d’Asie du Sud-Est ont pratiqué la copie à grande échelle dans les années 1960-1970, par exemple dans l’automobile et l’électronique. Le brevet permet à son titulaire de porter plainte contre l’imitateur.

En revanche, pour les innovations de procédés (techniques de fabrication des biens, procédés industriels, chimiques, etc.), le secret demeure une meilleure protection. Dans certains domaines comme les services – immatériels -, il est très difficile de protéger l’innovation, si ce n’est par le biais d’une re-réglementation. Le meilleur exemple est fourni par les innovations financières, telles que les nouveaux procédés de financement ou de couverture des risques, dont il est bien connu qu’elles ne peuvent guère être protégées et sont immédiatement copiées par la concurrence.

Le système de brevets n’aurait un impact positif important sur les efforts d’innovation des entreprises que dans quelques secteurs clés comme la pharmacie, la chimie où, sans les brevets, de 40 % à 60 % des innovations n’existeraient pas. Les petites et moyennes entreprises (PME) ont tendance à peu breveter, même si leurs politiques évoluent depuis les années 1990. En matière de procédés de fabrication, beaucoup de PME estiment qu’elles n’ont pas intérêt à divulguer des informations dont elles auront du mal à contrôler l’usage par les concurrents. Elles préfèrent souvent se protéger par le secret.

Mais l’application, depuis le 1er janvier 1995, des accords sur les droits de propriété intellectuelle conclu au sein de l’OMC (les ADPIC) a changé la donne. L’article 34 permet, en certaines circonstances, de renverser la charge de la preuve : c’est alors à celui qui a été pillé de le prouver. En cas de litige, cette nouvelle règle fragilise les entreprises qui n’ont pas déposé de brevet. Ce changement a modifié les comportements des entreprises, tout particulièrement des PME qui ont très rapidement développé des stratégies de dépôts de brevets. Quant aux grandes firmes, qu’elles soient françaises ou américaines par exemple, elles recourent systématiquement aux dépôts de brevets.

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La production de nouveaux savoirs s’appuie sur la coexistence de deux modes d’organisation, l’un reposant sur l’appropriation – c’est la fonction de la propriété intellectuelle – et l’autre, sur la divulgation des savoirs, ce qui correspond, par exemple, aux systèmes ouverts tels que les logiciels libres. Depuis les années 1980, les oligopoles mondiaux de la connaissance (pharmacie, biotechnologies, logiciels informatiques, etc.) n’ont cessé de développer des stratégies de lobbying afin de protéger le fruit de leurs dépenses de R&D. Cela s’est traduit, dès les années 1990, par un renforcement des mécanismes d’appropriation des savoirs dans les pays avancés et à l’échelle internationale, en particulier grâce à l’adoption des accords ADPIC (accords sur les droits de propriété intellectuelle liés au commerce) au sein de l’OMC.



C’est dans le domaine des nouvelles technologies que les entreprises ont mené les politiques les plus actives d’appropriation de la connaissance. L’on a en effet assisté à une explosion des prises de brevets dans les secteurs des biotechnologies, des nanotechnologies et des technologies de l’information et de la communication (TIC), autant de domaines dans lesquels se développent actuellement les principales innovations technologiques. Dans les principaux pays industrialisés, les gouvernements ont accompagné cette évolution en organisant un nouveau régime juridique de la propriété intellectuelle. Ainsi, aux États-Unis, le Bayh-Dole Act voté en 1980 a autorisé les firmes à déposer des brevets sur les résultats de la recherche financée sur fonds publics, d’une part, et a ouvert la possibilité de céder ces brevets sous forme commerciale, d’autre part.

Cette loi a signé la fin d’une science ouverte, indépendante des aléas du marché et de la finance La recherche de base est traditionnellement supposée servir d’intrant aux inventions et s’apparenter aux biens communs scientifiques (« scientific commons  ») au fondement des autres recherches. En effet, en échange de la subvention publique, orientée principalement vers la recherche de base dans les institutions académiques et autres laboratoires publics, le système mettait à disposition gratuitement et librement les résultats de la recherche. L’attribution de brevets était aussi étroitement limitée à l’invention « utile » et conditionnée au caractère précis et ouvert (« disclosed ») de l’invention, afin qu’elle soit réutilisable par la communauté des inventeurs. D’un point de vue juridique, la brevetabilité a été étendue à des objets larges ou jusque-là explicitement proscrits. Ainsi, dans le domaine de l’informatique et des logiciels, la nouvelle loi autorise la brevetabilité des éléments de connaissance « générique », couramment utilisés par la communauté des programmeurs et des concepteurs de logiciels.

Dès lors, les institutions liées aux droits de propriété intellectuelle et le système financier vont interagir et entrer dans une relation de complémentarité : la transformation de la connaissance en marchandise, par les droits de propriété intellectuelle marchandisables garantissant des rentes d’innovation aux détenteurs de brevets, a créé les conditions nécessaires à l’entrée du capital financier dans l’espace de production de connaissance. La réglementation autorise alors la cotation sur le marché financier de firmes déficitaires, à condition qu’elles disposent d’un fort capital « intangible », constitué précisément par des droits de propriété intellectuelle. Ces firmes d’un type nouveau ont été baptisées « business angels ».

Ainsi, dans la plupart des pays développés, l’orientation progressive des universités et des centres de recherche publics vers des objectifs commerciaux a été facilitée par – et a facilité en retour – la diffusion d’une culture du « chercheur entrepreneur ». En France, où le secteur public de la recherche demeure puissant, les différentes lois sur l’innovation ont également favorisé cette évolution. En Europe, la brevetabilité du vivant a été autorisée par la directive 98/44/CE du 6 juillet 1998 .

Un nouveau compromis s’est donc diffusé dès les années 1990 dans l’ensemble des pays développés, instituant une complémentarité entre la recherche, la connaissance et sa commercialisation, sa marchandisation. Cette complémentarité n’est cependant pas sans risque en cas de retournement boursier, comme on a pu le voir lors de la crise boursière de 2001 avec l’éclatement de la bulle Internet. Quoi qu’il en soit, ce nouvel esprit des lois régissant les droits de propriété intellectuelle a été adopté au niveau international.

L’Organisation mondiale du commerce a été le lieu de négociation des droits de propriété intellectuelle. Ce qui a débouché sur les accords (ADPIC) sur les « aspects du droit de la propriété intellectuelle qui touchent au commerce » signés en 1994 à Marrakech. Ces accords s’inscrivent dans le mouvement de renforcement des droits de propriété intellectuelle, mené à l’initiative des autorités américaines et sous la pression des firmes transnationales. Les accords ADPIC, dont les principaux bénéficiaires sont les firmes multinationales, ont pour conséquence de limiter les transferts de technologies et de connaissances, notamment vers les pays en développement, qui se voient ainsi interdire les pratiques d’imitation. Ce renforcement des droits de propriété intellectuelle ne touche pas de la même manière les pays, les secteurs et les entreprises.

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